La résurrection de l'âme est plus lente que celle du corps.

La Collecte de ce 3ème Dimanche, à mi-chemin de notre montée vers Pâques, est une belle synthèse de l’esprit du Carême. « Tu nous as dit comment guérir du péché par le jeûne, la prière et le partage… » Nous est donc rappelé que la démarche quadragésimale est avant tout médicinale ; elle consiste à nous guérir, à nous redonner la vie. C’est ce qui devrait motiver notre enthousiasme à faire carême. La collecte poursuit : « …Écoute l’aveu de notre faiblesse : nous avons conscience de nos fautes… » Voici rappelée une définition possible du Carême : un temps particulièrement long pour permettre à notre conscience de faire un examen approfondi de ce qu’elle est, du comment elle relit la vie dont elle dirige les actes, du comment, finalement, elle se note, en dernière instance.



1. Arriver à une juste évaluation de soi. Trop souvent, pressé par le temps ou par nos psychologies, nous précipitons nos examens de conscience, nous bâclons nos confessions, mélangeant le superficiel (les fautes) avec la profondeur : l’aveu de notre faiblesse. On remarquera que ce qui est cité en premier dans la prière est « l’aveu de notre faiblesse ». Bien sûr cette faiblesse est révélée par la multiplication des fautes, ou, d’après le texte latin, de ce qui pèse sur notre conscience. C’est donc bien la conscience qui, comme dernier juge, regarde ce qui l’attire vers le bas, l’incurve sur elle-même, l’asphyxie et la mène à la mort. Mais l’objectif final est bien de reconnaître la faiblesse générale de notre personne. Et cette acceptation de la faiblesse est déjà positive : « humilitatis nostræ » dit le texte qui donne, traduit, « faiblesse ». En reconnaissant l’état, on pourrait dire, propre, permanent de notre nature blessée, on entre, par ce seul fait, dans l’humilité.

2. Seul ce qui est haut peut être abaissé et seul ce qui est bas peut être relevé. La première partie de la formule s’applique à Dieu seul. Dieu étant LE Très-Haut, Lui seul peut, à strictement parler s’abaisser, s’humilier. C’est le mystère de l’incarnation qui s’achève dans le scandale ou la folie de la Croix comme le décrit l’hymne aux Philippiens (2, 1-11). La deuxième partie de la formule, c’est le rêve de Dieu pour l’homme : relever Son enfant tombé et blessé. Encore faut-il qu’il se voit comme tel ! Voilà la raison du Carême : reconnaître encore une fois que je ne suis pas bon à grand chose, et même bon à rien. Tout ce qui est bon en moi vient de Dieu, tout le reste vient de moi.

3. Nous reconnaître faibles, ce n’est pas la même chose que de nous reconnaître coupables. Il est possible que, dans le passé, la présentation de la doctrine du péché ait influencé le comportement des chrétiens en développant un sentiment malsain et mortifère de culpabilité. Pourtant, le message de l’évangile n’est qu’un message de pardon. Seul celui qui s’enferre dans son péché, qui meurt en lui (aux sens propre et figuré), seul celui-là, par son propre vouloir délibéré se ferme à la miséricorde. Dès l’instant, au contraire, où je fais l’aveu de ma faiblesse, comme l’aveugle, comme le lépreux, comme le paralysé de l’évangile, dès l’instant où je me lis comme de l’humus, alors j’entre en humilité et je deviens apte à être relevé. « Patiemment, relève-nous avec amour » : ce sera notre grâce pascale, distribuée à la mesure de l’abaissement, de l’humilité de chacun.

4. La résurrection de l’âme est plus lente que celle du corps. D’un seul coup d’un seul, le paralysé est sur pied. Comme le Christ probablement dans la nuit pascale. Mais le relèvement de notre cœur est plus lent. Il se rapproche de la guérison de l’aveugle de Siloé. Ce n’est que peu à peu que nous retrouvons les formes, le mouvement, en un mot : la vie. D’ailleurs, si c’est par Sa Puissance que Jésus ressuscite Lazare, c’est par Son Amour que Dieu opère la résurrection des cœurs. C’est logique : s’il faut réhabituer un cœur à battre, on souffle progressivement et longtemps jusqu’à ce que le rythme soit repris. Dieu nous fait comme du bouche à bouche . De la même manière qu’Il a soufflé Son haleine en Adam pour l’appeler à la vie, de même, Il nous insuffle Son Esprit, sacrement après sacrement, pour nous engendrer progressivement à la vie nouvelle, cette vie dont le chemin fut tracé jadis par les Dix Paroles données à Moïse. C’est la raison pour laquelle Paul a pu écrire que « la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme », puisque c’est par Son abaissement jusqu’à la mort que Dieu, en Son Fils, redonne la Vie à Ses enfants.

http://www.montligeon.org/Le-Careme,1754.html