Théodom : GENESE 2 : Le Déluge et la tour de Babel, quel bazar ! et L'Alliance, plus qu'un contrat.

Date d'inscription : 01/09/2021 Localisation : France

*Le Déluge et la tour de Babel, quel bazar !*

soeur Marguerite Tandonnet
Sœur Marguerite Tandonnet est une ancienne médecin,
elle est maintenant moniale contemplative au monastère
des dominicaines d'Orbey, dans les Vosges.

Nous nous souvenons tous des histoires de l'arche de Noé et de la tour de Babel. Pourtant, en relisant ces récits bibliques, nous sommes un peu perdus devant des répétitions, voire des contradictions.

Sœur Marguerite Tandonnet, du monastère d'Orbey, pointe le doigt sur ces étrangetés et nous aide à y trouver l'essentiel. Une première impression de chaos laisse place au salut voulu par Dieu pour tous les hommes.

Dans l'arche, Dieu sauve Noé et offre un nouveau départ à la vie sur la terre. En Genèse 11, à Babel, Dieu ne détruit pas, il donne aux hommes un moyen sûr de lutter contre leur orgueil : la diversité. Dieu nous offre toujours de nouveaux départs.

Par moments, dans la vie, c’est le bazar. Tout est sens dessus dessous, on ne sait plus où on en est, on ne comprend pas ce qui nous arrive. Eh bien dans la Bible, il y a aussi des moments comme ça. Par exemple, le récit du déluge et l’histoire de la tour de Babel. Alors... On essaye de remettre de l’ordre, de comprendre ?
Premièrement : le Déluge (Genèse, 6-9)

Un certain désordre

Le déluge et l’Arche de Noé tout le monde connaît l’histoire, en gros. Mais quand on lit le récit avec attention (chapitres 6 à 9), on est un peu perdu parce qu’il y a pas mal de répétitions et, entre deux répétitions, des contradictions. Par exemple : est-ce que Noé fait monter un couple de chaque espèce d’animaux dans l’arche (6, 20), ou sept couples (7, 2) ? Le texte dont nous avons hérité n’est pas très ordonné. Parce qu’il est le résultat d’une compilation de différentes sources : un récit qui est dit sacerdotal (écrit par des prêtres) et un autre récit. Le rédacteur final n’a pas voulu faire de coupes sombres, quitte à nous laisser un texte un peu bazar.

Voilà pour la forme. Mais dans le contenu aussi il y a du désordre, au sens fort (pas juste une chambre mal rangée,…), et cela nous choque. C’est une catastrophe naturelle ! 40 jours de pluie ininterrompue, l’inondation de toute la terre, la mort de tous les êtres vivants qui ne sont pas dans l’arche. Pourquoi ? Parce que, depuis la création, ils se sont pervertis. Puis la pluie s’arrête, c’est la décrue, et finalement Noé et ses compagnons auront passé des mois confinés. Ce qui nous dérange profondément, nous, quand nous lisons ce passage, c’est que cette destruction ait été voulue par Dieu, ce Dieu qui a créé le monde par amour…

Un lien entre deux personnes

S’il y a une chose qui marche bien dans cette histoire, c’est la relation entre Dieu et Noé. Deux détails nous en disent long sur le sujet.

Détail no.1, avant le déluge, il y a la porte.

Alors le Seigneur ferma la porte sur Noé. (Genèse 7, 16)
Cette porte est celle de l’arche, que Noé a construite grâce au plan de Dieu :
Fais-toi une arche en bois de cyprès. Tu la diviseras en cellules et tu l’enduiras de bitume à l’intérieur et à l’extérieur. (Genèse 6, 14-16)
Noé y est entré avec sa famille, et avec toutes les espèces d’animaux et d’oiseaux. Cette porte qui se ferme, c’est le plan de Dieu pour ses créatures qui s’accomplit. Il décide de les protéger, c’est-à-dire, dans ce contexte, de les garder en vie, de les sauver.

Détail no.2, à la fin du déluge

Dieu se souvint de Noé, de toutes les bêtes sauvages et de tous les bestiaux qui étaient avec lui dans l’arche ; il fit passer un souffle sur la terre : les eaux se calmèrent. (Genèse 8, 1)
Dans la Bible, quand Dieu se souvient d’une personne, cela exprime sa sollicitude, c’est-à-dire que Dieu se fait du souci pour la personne, il veille sur elle, il est bienveillant et vigilant.
Dans notre récit, c’est quand Dieu se souvient de Noé que s’amorce la décrue, le retour à la vie.

Dieu veut la vie, envers et contre tout

La relation entre Dieu et Noé est donc marquée par (1) la protection et (2) la sollicitude. C’est tout l’inverse de l’ambiance de mort qui règne sur la terre submergée (en image : par les eaux il y a des milliers d’années, aujourd’hui par un virus…) Et il n’y a pas que Noé : l’arche est un bateau plein de vie ! C’est ça qui est important. Parce qu’à partir de cette... communauté, Dieu fait comme redémarrer sa création. Il réitère sa bénédiction. L’humanité et l’animalité vont de nouveau croître.

Et Dieu promet de ne pas recommencer :

Le cœur de l’homme est enclin au mal dès sa jeunesse, mais jamais plus je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait. (Genèse 8, 21)
Voilà ! Le déluge a été raconté pour en arriver là. Ceux qui ont écrit ce texte sous l’inspiration de l’Esprit de Dieu sont des descendants de Noé. Cette histoire exprime leur foi en Dieu qui donne la vie, et qui choisit de laisser en vie, non seulement les justes comme Noé, mais aussi ceux dont le cœur penche vers le mal, comme la suite va nous le montrer.

Deuxièmement : la tour de Babel (Genèse 11, 1-9)

Recoller les morceaux du texte
Juste avant le récit de la tour de Babel, le chapitre 10 du livre de la Genèse fait la liste des descendants de Noé et de ses trois fils Sem, Cham et Japhet. Dans ce texte, à trois reprises, il est dit que tous s’installent en des lieux selon leurs langues (Genèse 10, 5.20.32). Donc… la diversité des langues existe. Mais le récit de la tour de Babel, au chapitre 11, commence ainsi :

Toute la terre avait alors la même langue et les mêmes mots. (11, 1)
Alors là je ne comprends pas : ils parlent la même langue ou ils parlent pas la même langue ?
En réalité, ces deux chapitres mis bout à bout ne se suivent pas dans un ordre chronologique. L’histoire de la ville de Babel a pour fonction d’expliquer aux hommes pourquoi ils ne se comprennent pas entre eux, et de leur montrer ce qu’il ne faut pas faire.

Un chaos déguisé en symphonie

Au verset 4, les hommes expriment leur plan :
« Allons ! Bâtissons-nous une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux ! Faisons-nous un nom, pour ne pas être disséminés sur toute la surface de la terre. » (Genèse 11, 4)
Dans leur démarche, trois attitudes sont à relever :
- la construction d’un gratte-ciel, qui symbolise leur volonté de domination,
- le projet de « se faire un nom », c’est-à-dire d’exister par soi-même,
- et le mythe de la langue unique, avec son refus de tout ce qui est différent comme dans les totalitarismes.

Remarquez qu’il n’y a pas de dialogue dans ce récit.
Remarquez aussi que Dieu est totalement absent de ce plan. C’est l’orgueil. Mais en réalité Dieu est bien là, il voit qu’ils vont à leur perte, et il agit.

L’œuvre de Dieu

Dieu confond les langues et disperse les hommes. Des commentateurs voient sa réaction comme un châtiment de l’orgueil : ce texte est là pour nous prévenir des conséquences désastreuses du fait de se prendre pour Dieu. D’autres commentateurs y voient un acte de miséricorde de la part de Dieu, qui libère l’humanité de son repli sur soi et de ses rêves irréalisables. Sa « punition » (faire le geste des guillemets) est, en quelque sorte, le « cadeau » de la diversité. Diversité qui va à l’encontre de toute idéologie dictatoriale, et ce jusque dans l’interprétation des textes bibliques ! Espérer revenir à la langue unique d’avant Babel, c’est comme refuser ce qui est constitutif de notre nature humaine créée par Dieu.
Et Dieu ira encore plus loin dans les Actes des Apôtres avec le récit de la Pentecôte. Là, son projet, qui avait été mis à mal par le comportement des hommes de Babel, s’accomplit :

- à la place d’hommes qui veulent toucher le ciel, on trouve des hommes vers qui vient le Dieu du ciel. (Actes 2, 2.4)
- à la place de la dispersion, les personnes présentes reçoivent la capacité de se comprendre les unes les autres tout en restant différentes. (Actes 2, 11)

Nous avons donc compris que, dans ces récits, l’impression de chaos laisse place au salut, ce salut que Dieu veut pour tous les hommes. Dieu protège Noé et prend soin de lui, puis il permet que la vie reparte et grandisse sur la terre. Et, à Babel, Dieu ne détruit pas, il donne aux hommes un moyen sûr de lutter contre leur orgueil : la diversité.

Pour aller plus loin :
Origène, Homélies sur la Genèse, Sources chrétiennes no. 7, Cerf, 1943.
Jean L’Hour, Genèse 1-11, Les pas de l’humanité sur la terre, Cahiers Evangile 161, Cerf, septembre 2012.

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Sub tuam misericordiam confugimus, Dei Genitrix !

Jésus te dit : Moi Je t'aime, et toi tu m'aimes ?

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APPROFONDIR

Dans la Bible, Dieu multiplie les alliances avec son peuple. Avez-vous déjà réfléchi à celle que Dieu fait avec nous ? Frère Olivier Catel vous propose, dans la seconde vidéo, une spiritualité biblique de l'Alliance.

Bon approfondissement !

L'Alliance, plus qu'un contrat

L'alliance est-elle une réalité divine ? comme un contrat que l’on peut déchirer et arrêter à tout moment ?

L’alliance est la réalité première sur laquelle repose notre Foi : l’Ancien Testament et le Nouveau Testament, l’ancienne alliance et l’alliance renouvelée. C’est la relation que Dieu veut avoir avec nous : l’alliance, c’est Dieu qui veut que nous soyons son partenaire.

Dieu a toujours l'initiative et propose l'alliance à l’homme : l'alliance est fondée sur une promesse de vie qui attend la réponse humaine de la foi.

Dieu multiplie les alliances

La première grande alliance de Dieu, c’est la Création elle-même: Dieu nous invite à participer à cette Création comme “maître et possesseur de la nature”, nous avons l’obligation d’être un bon gardien, responsable et attentif, qui permette à la Création de grandir à l’image de Dieu.
Dieu se tourne ensuite vers Noé, renouvelle son alliance avec lui et avec toute l’humanité. Dans cette alliance, Dieu affirme qu’il ne détruira plus jamais l’humanité. Il pose l’arc-en-ciel comme signe naturel de cette promesse. (Siracide 44, 17-18)

Avec Abraham, Dieu se choisit un homme qui sera le père d’un peuple, Dieu se choisit une famille humaine, la bénit et lui donne une terre. L’alliance se fait promesse d’une descendance. En mettant à part, Dieu sanctifie : un peuple saint, élu, comme signe universel de l’amour de Dieu, une lente préparation à une ouverture universelle. (Siracide 44, 19-20)

Dans l’alliance au Sinaï, avec Moïse, Dieu se révèle comme un Dieu libérateur, un Dieu exigeant mais juste qui veut se donner un peuple saint à travers une expérience fondamentale de libération. Dieu promet un autre Moïse que les prophètes n’ont eu de cesse d’annoncer. (Siracide 45, 1-5)

Avec le roi David, Dieu promet un descendant qui étendra la bénédiction d’Israël à tous les hommes. (2 Samuel 7, 10-13)

Jésus accomplit toutes ces promesses: il est de la race d'Abraham, il accomplit parfaitement la loi donnée à Moïse et il est le descendant de David qui étend l’alliance à toute l’humanité.
La nouvelle alliance en Jésus-Christ, dans son sang et sa résurrection, est la perfection de cette relation que Dieu veut avec sa créature : Dieu s’est fait homme et a vécu notre condition, a vécu la mort avec nous et pour nous pour nous montrer que la mort est définitivement vaincue, que nous pouvons tous devenir des partenaires de Dieu.

L'alliance, quésako ?

L’alliance, “brit” en hébreu, est bien cette relation d’un roi avec son peuple, d’un Dieu avec un peuple qu’il se choisit: Israël, l’Eglise. Il implique des obligations mutuelles: Dieu s’engage et l’homme s’engage. C’est avant tout un rapport d’obéissance et de fidélité de l’homme, une réponse à la proposition divine, à un Dieu qui promet le salut et la vie. En cela, l’alliance est très proche de la Loi ou des commandements.

L’alliance est scellée à travers un événement symbolique : l’arc-en-ciel de Noé, l’animal découpé par le feu pour Abraham, la grande apparition au mont Sinaï pour Moïse, par la mort et la résurrection de Jésus. Dans cet événement, un serment est scellé entre Dieu et l’homme même si l’on comprend que cette relation entre Dieu et l’homme n’est pas entre deux égaux. Dieu fait tout cela par pur amour, par charité, pour donner des droits à l’homme, par pure grâce. Contrairement à l’homme bien souvent, Dieu n’oublie jamais son alliance : à chaque fois que Dieu “se souvient de son peuple”, c’est pour se souvenir de son alliance et sauver son peuple en danger. L’alliance est plus qu’un compagnonnage, c’est une relation amoureuse, exigeante et vraie, entre l’humanité et son Dieu.

Les noces chrétiennes, le mariage, alors alliance ou contrat ?

Le mariage chrétien est fondé sur le modèle d’alliance entre l’Homme et Dieu. On peut rompre unilatéralement un contrat, dans notre culture moderne, mais pas une alliance: une alliance est éternelle et même si l’une des deux parties est infidèle, l’alliance reste valide et vivante. Le Livre d’Osée prend une image : le prophète a une femme qui s’est prostituée, c’est l’image du peuple d’Israël et de son Dieu. Malgré l'infidélité d’Israël, Dieu reste fidèle et lui propose de revenir à lui de tout son cœur. Le mariage chrétien, qui est une alliance, confirmée et assurée par Dieu grâce au sacrement, repose sur les mêmes principes : malgré les chutes, les différences et les possibles trahisons, il faut toujours tenter de renouer cette alliance car elle est source, certes très exigeante, de vie. Dans une société gérée par les contrats (de travail, d’assurance…) où chaque partie peut choisir de partir et de mettre fin à l’accord, le modèle d’alliance, plus exigeant et reposant sur la grâce de Dieu, nous invite à aller plus loin, sûrs que c’est une source de vie. L’alliance entre l’homme et la femme est une promesse de bonheur car elle répond à une invitation divine : “croissez et multipliez-vous”, cette alliance fondamentale de la Création.

Finalement, la Bible ne raconte rien d’autre que l’histoire d’un Dieu qui veut faire alliance avec l’Homme, qui persiste et signe malgré la faiblesse humaine. Ce modèle exigeant de fidélité est aussi ce que Dieu veut pour les hommes entre eux: l’alliance résiste aux infidélités, aux difficultés, n’est pas déchirée comme un simple contrat, elle ouvre la voie à une vie en Dieu.

Pour aller plus loin, vous pouvez suivre le cours de François Jorel sur la Genèse, sur Domuni, l’Université Dominicaine en ligne.

La Genèse

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