Stan
Date d'inscription : 30/08/2010 Localisation : Québec, Canada
| Sujet: "CATHOLIQUE EN LIBERTÉ" (de René Poujol) : un livre de fond à lire Mer Déc 11 2019, 14:58 | |
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"CATHOLIQUE EN LIBERTÉ" (de René Poujol) : un livre de fond à lire
“Les gens n’attendent pas de nous catholiques que nous leur fassions la morale, mais que nous cheminions fraternellement à leurs côtés. Ne dépensons pas plus d’énergie à dénoncer le mal qu’à faire le bien…”
Les structures du catholicisme sont “dans une sorte d’entre-deux où, malgré la pénurie, nous pensons pouvoir continuer à reproduire le même, sauver ce qui peut être sauvé, et notamment un modèle qui appartient pourtant au passé ! Or je crois, à l’inverse, que tout est à réinventer” – écrit René Poujol.
L’auteur analyse cette société (déboussolante) et envisage une voie : celle d’un catholicisme vivant, brûlant la paille de l’accessoire au feu de l’Essentiel… “J’ai observé le vieillissement du peuple croyant, malgré les bouffées de jeunesse des JMJ et l’exception de certaines paroisses urbaines bien insuffisantes à inverser la tendance ; j’ai rencontré des prêtres et des diacres, des religieux, des laïcs, des évêques, passionnés et épuisés par la mission ; côtoyé quelques saints ; admiré l’intelligence persévérante et le courage d’amis théologiens ; vibré de fierté et de gratitude à certaines initiatives pontificales ; pesté de trop de crispations, de timidités et de fermetures doctrinales ; bataillé contre de tristes Savonarole ; refusé d’entrer dans des stratégies de critique systématique de l’institution ; souffert, avec d’autres, des scandales qui salissaient l’Eglise et plus encore de la tentation de les étouffer ; entendu la confidence douloureuse de personnes qui se sentaient rejetées par leurs frères dans la foi ; constaté, la mort dans l’âme, l’abandon sans regret apparent de toute pratique ou appartenance religieuses par de vieux compagnons de route ; salué l’enthousiasme, l’imagination et la générosité d’une certaine jeunesse ; dénoncé la montée du mépris antireligieux dans notre société, l’ostracisme et l’inculture de bien des médias ; regretté le refus de certains milieux catholiques de dialoguer avec le monde […] ; prié enfin pour un réveil de mon Eglise ! Et François vint !”
Ce pape ouvre en effet la voie. Marchant avec lui, René Poujol dans la troisième partie de son livre plaide pour les dimensions humaines et sociales menacées aujourd’hui, et il le fait dans l’esprit de Laudato Si’ : en indiquant la véritable cause de cette menace, c’est-à-dire la broyeuse libérale… Quelques extraits de ces chapitres fortement argumentés :
► Sur la famille : “Est-ce se faire le chantre d’un retour à l’ordre moral que de dénoncer le désordre immoral de sociétés dominées par l’argent, où la fidélité n’est plus perçue que négativement comme étant une peur du changement ?”
► Sur la fausse laïcité : “On est bien là au cœur de la confusion entretenue dans certains milieux qui considèrent […] que la laïcité de l’Etat supposerait celle de la société, ce qui est totalement absurde. […] Les mêmes qui se félicitent d’une France riche de ses diversités sont incapables d’ouvrir cette richesse au pluralisme des convictions religieuses…”
► Sur l’Etat se prenant pour une autorité morale : selon la nouvelle doxa politico-médiatique, “il n’y aurait pas de place pour le moindre écart entre la loi de la cité et la conscience propre du citoyen… Or sans contester le principe de la souveraineté populaire, on peut objecter que le rôle de la loi […] est de dire le permis et le défendu, qui peuvent varier […]; non de définir le bien et le mal, le vrai et le faux, qui sont d’une autre nature, supposent une autre permanence dans le temps, et n’ont pas à être soumis à la délibération démocratique.”
► Sur la PMA, grande cause officielle : “C’est d’abord un formidable marché, ‘boosté’ pour ce qui concerne les couples hétérosexuels par les ravages de la pollution industrielle sur la fertilité humaine. Ainsi le capitalisme libéral provoque-t-il de façon véritablement criminelle l’infertilité masculine, ouvrant ainsi un nouveau marché […]: celui de l’enfant né de la technique médicale. De même incite-t-il les jeunes femmes à repousser leur projet de maternité de manière à se rendre plus disponible “pour leur carrière” – donc pour le marché – en leur offrant désormais la perspective technique d’une conservation des ovocytes, qu’en bon petit soldat le Conseil consultatif national d’éthique suggère au gouvernement de légaliser… Tout cela sous les applaudissements des naïfs qui croient y voir une victoire des libertés et du désir d’émancipation des citoyens.”
► Sur le néolibéralisme (“laminage du monde ouvrier et paysan par le capitalisme financier, avec la complicité des élites “progressistes” qui, à partir des années 1980, ont substitué au combat historique pour l’émancipation des classes populaires, la seule défense des minorités ethniques et sexuelles, plus facile à mettre en œuvre”) : “Ce consentement satisfait des nantis à une économie dérégulée, qui organise l’exclusion des autres du marché du travail, me choque profondément. Comment ne pas voir qu’elle est non seulement injuste mais lourde de menaces de révolte ?”
C’est avec le pape François que René Poujol résiste à l’emprise antisociale du néolibéralisme. Marcher avec le pape, c’est marcher avec l’Eglise vivante, alors que certains de nos frères catholiques quittent la route pour errer dans les mirages du zèle amer. C’est de l’aveuglement de leur part : “Les gens n’attendent pas de nous catholiques que nous leur fassions la morale, mais que nous cheminions fraternellement à leurs côtés. Ne dépensons pas plus d’énergie à dénoncer le mal qu’à faire le bien…” On pense à l'aphorisme de Hans Urs von Balthasar : “L’amour est bien plus que la morale des pharisiens et des sadducéens : la morale s’achève et s’abolit dans le feu de l’amour”.
Poujol dit aussi, et c’est très actuel : “Faut-il rejoindre le camp de ceux qui contestent radicalement toute évolution de la société comme de l’Eglise ? Ce ne sera jamais mon choix.” Soyez prêt à expliquer votre espérance à ceux qui vous le demanderont, dit la première lettre de Pierre : encore faut-il que nous vivions une espérance, et que cela donne à quiconque envie de nous en parler ! Dans ses deux premières parties, le livre de René Poujol résonne des doutes et des drames de l’Eglise d’aujourd’hui ; il fait comprendre au catholique que la foi n’est pas un refuge mais une aventure à la grâce de Dieu, dans la fidélité à l’essentiel qui nous a mis en route.
C’est à lire – et à faire lire.
Source : http://plunkett.hautetfort.com/archive/2019/12/11/y-6197418.html#more
Stan _________________ "Une pieuse réserve sur ce qui nous échappe vaut mieux qu'une âpre discussion sur ce dont on est incertain" (Adam de Perseigne)
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