Céline. Admin
Date d'inscription : 29/08/2010 Localisation : Canada
| Sujet: “Ce que vous faites au plus petit …” Entretien avec Joseph Wresinski Mar Mar 06 2012, 14:29 | |
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- Je n’ai jamais rencontré un prêtre vraiment prêtre et un laïc vraiment engagé qui ne soient pas bouleversés devant le monde de la misère et désireux de faire quelque chose. Ce n’est pas une invention d’aujourd’hui, c’est un héritage. Dès le début de l’Église on a eu le souci des pauvres. Bien plus qu’un souci, une communion. Toutes ces congrégations et ces institutions au service des plus mal vus de la société. Pas seulement pour les servir mais pour recevoir d’eux quelque chose d’inestimable: ils maintiennent l’Eglise en état d’amour et d’humilité. -D’ humilité?
- Elle est sûrement pleine de bonne volonté mais pas toujours efficace, elle est impuissante, c’est sa grande souffrance. Elle invente à chaque époque pour faire reculer tel genre nouveau de misère et l’éternelle misère de malchance qui niche partout, mais elle finit par n’avoir pas assez de moyens et peut-être plus assez de cœur devant ces trop difficiles à aider. Elle ne sait plus leur parler, elle n’ose plus. Il y a des lieux, des temps et des gens d’Église qui perdent le contact avec les plus pauvres. L’histoire est remplie de ces élans vers la misère qui finissent en collèges pour les riches. Mais je le dis, je l’affirme, prise globalement et surtout regardée dans son cœur profond et ses saints, l’Église est l’Eglise des pauvres. Là où je suis je vois très bien pourquoi c’est elle qui peut aller le plus loin pour eux. - Pourquoi?
- Elle transforme leur cœur, elle les sauve, elle les remet dans l’espérance et dans l’amour. Ces démunis en viennent à se donner eux aussi, ils cherchent à rendre service et ça desserre l’étau de leur misère, ils sont capables de penser aux autres, de se priver. Devant des choses pareilles je vous assure qu’on est avec Dieu, dans l’action de Dieu. - L’ Eglise va vers les pauvres, mais les pauvres sont-ils chez eux dans l’ Eglise ?
- C’est l’ordre même du Seigneur! “ Va chercher ceux qui ne sont pas encore à ma table, va les chercher dans les rues, dans les bidonvilles, les cités d’urgence, les coins à chômeurs. Va vers eux et ils viendront chez toi. †Alors, là , se pose le problème de l’attirance. Quand les pauvres voient un prêtre, une religieuse, un laïc engagé, une communauté paroissiale, il faut que ces pauvres puissent sentir qu’on les attend, qu’on va les aimer. - Les milieux chrétiens, même modestes, rejettent plus ou moins consciemment les gens à misère déplaisante, insoutenable. Je dis cela parce que c’est ma propre réaction, ils me font peur, j’essaie de les oublier.
- Nous sommes dans un monde qui s’est bâti des citadelles, qui met partout des garde-fous, et le plus terrible – celui dont vous parlez -, l’oubli. On gomme l’insoutenable et c’est vrai qu’on a peur. Mais c’est le moment de se dire: quel est le Dieu que j’adore? Et avec qui je l’adore? - Quel est le Dieu de Joseph Wresinski?
- Je ne suis pas un homme de monastère, l’oraison ce n’est pas ma rencontre d’un Dieu invisible, je le rencontre dans le désespoir des plus perdus, dans les larmes de honte, dans le froid et la faim, les saoûleries, la prostitution. C’est ça, mon cloître. [...] Oui, mon Dieu c’est celui qui nous aime en nous laissant libres même quand nous le décevons, mais il ne cesse pas de nous accompagner. J’essaie d’être un peu cela. On sauve une famille en lui faisant avoir des allocations dans des conditions invraisemblables et aussitôt ils claquent tout avec les voisins: allez, c’est la fête des allocations familiales! Quand on me demande si j’ai des réussites je réponds : si je cherchais à tout prix des réussites, mes réussites feraient de moi le maître des pauvres et non le compagnon qui respecte et qui laisse libre. - Votre Dieu, c’est celui avec qui vous devez tout le temps rester pour les aimer?
-Oui, c’est bien cela mon oraison, ma vie d’union, les aimer avec lui et comme lui; il faut qu’il me le réapprenne constamment, Je n’aurais jamais cru que ça pouvait être si difficile, je commence un peu à comprendre ce qu’on dit quand on répète un peu vite que Dieu est amour. Nous ne pouvons être avec lui que si nous n’avons qu’une envie: être là comme lui. Ces hommes, ces femmes, ces enfants dans la pire détresse, quand je vois qu’ils ont encore le courage de chanter et de rire, je me sens purifié de tout, je ne tiens qu’à la tendresse de Dieu, il n’y a plus rien dans leur vie et dans la mienne que cette tendresse. En plein hiver, dans une baraque glacée, j’ai vu une maman laver son petit dans un seau d’eau froide. Je sentais en moi l’amour de Dieu pour eux, je ne pouvais que leur communiquer cela, mais je vous assure que les pauvres ont l’oreille fine. Vous pouvez faire des discours, ils ne se trompent ni sur votre foi ni sur ce que vous avez dans le cœur.
_________________ Quand ils diront : « Paix et sécurité ! », alors une destruction subite sera sur eux...1 Thessaloniciens 5:3
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