Citation : Qu’est-ce que la messe ?
Sur une page du livre d’intentions ouvert au fond d’une église liégeoise, un fidèle anonyme
a écrit : « Qu’est-ce la messe « ?
Et consigné la réponse que lui a faite un prêtre : « c’est un repas… »
Essayons donc d’expliciter, humblement, ces points de suspension.
Dans un petit livre pénétrant, « Ce qu’est le mystère à l’intelligence » (de
Louis SALLERON, propos sur la foi, éditions du Cèdre, 1977), Louis Saleron
s’est interrogé, après tant d’autres sur l’essence du christianisme, qui se trouve
être, pense-t-il dans le sacrifice :
Communément, le sacrifice est l’acte de renonciation à un bien en considération d’un bien
supérieur : se priver pour obtenir autre chose à quoi on attribue une
valeur plus haute.
Car, chaque fois qu’apparait une mesure d’équivalence, le « do ut des » dans
l’intention, il n’y a pas de sacrifice, sinon imparfait (payer une prime
d’assurance n’est pas un sacrifice, offrir sa vie pour sauver celle de son
enfant, si).
L’histoire de l’humanité montre que le sacrifice proprement dit est un acte religieux, une
offrande aux puissances supérieures, en considération d’un lien de dépendance
qui nous relie (religio, religare, en latin) à elles.
Cette considération varie selon les mobiles plus ou moins élevés qui l’animent :
craindre la colère, capter la bienveillance, satisfaire la justice, manifester
la reconnaissance, l’amour, l’adoration.
Il n’y a pas de religion sans sacrifice et le sacrifice chrétien se comprend dans la
succession du nouveau Testament à l’ancien.
Qu’elles qu’en soient les formes, du ritualisme le plus
grossier-du sang des bœufs et des agneaux égorgés sur l’autel- jusqu’à
l’oblation épurée du pain et du vin par Melchisédech, le sacrifice de l’ancien
Testament est d’abord celui du peuple élu au Créateur qui a passé alliance avec lui :
Pointe alors l’intention d’amour et d’adoration.
Le sacrifice du nouveau Testament est celui de l’Alliance nouvelle et éternelle en
Jésus-Christ, celui de l’oblation parfaite de l’homme à Dieu et au prochain,
qui en est la figure.
Dès l’incarnation, le fils se « vide » en quelque sorte de sa divinité
par l’offrande à son Père de sa double nature humaine et divine.
Cet abandon,
ce don total non plus seulement de l’avoir mais de l’être est consommé sur la
croix érigée par la malignité des hommes.
Et ce « vide » est aussitôt comblé par Dieu.
L’anéantissement humain par le mal se transforme en épanouissement divin. L’homme qui se sacrifie devient un homme
divinisé, c'est-à-dire qui atteint ce à quoi il a toujours aspiré : le
souverain Bien.
Après celle du Christ, la vie des saints montre à
quel point le sacrifice accomplit l’homme.
Or, la messe
est ce sacrifice-là : la cène originelle était un sacrifice. La pâque juive était un sacrifice, le sacrifice
de l’Alliance. La cène a lieu pour
célébrer la pâque.
Jésus y institue le sacrifice de la nouvelle et éternelle alliance qui prolonge
l’ancienne et s’y substitue. La cène anticipe le sacrifice de la Croix, elle
est ce sacrifice par l’intention absolue du Christ dont l’oblation parfaite va
du lavement des pieds à la mort sur la croix.
La messe est le sacrifice de la croix perpétué et rendu présent jusqu’à
la fin des temps.
Le christianisme professe que la réalité absolue ne nous est connaissable que par
la révélation (un seul Dieu en Trois personnes, incarnation de Dieu en Jésus,
Marie, Mère de Dieu..) : ni la science, ni la raison, n’y peuvent objecter
car cette réalité mystique est hors de leur objet propre.
Quand elle se révèle dans l’ordre du créé, la réalité mystique est à la fois elle-même et
intégrée au créé selon l’ordre de celui-ci ; Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme,
Présence réelle sous les espèces eucharistiques etc. : cela n’a pas le
sens si nous n’admettons pas cette réalité.
Dans le sacrifice de la croix, il y a une réalité temporelle unique dans le temps et
une réalité mystique qui est la même : dans son accomplissement temporel (le
vendredi saint 14 nisan de l’année 30), dans son anticipation (la cène
originelle) et dans sa perpétuation (la messe).
A la messe, par le repas, il y a aussi communion. On
touche là un nouvel élément du sacré.
L’homme, sensible à la mort, est hanté par la survie.
Cette vie, il la maintient par la nourriture et la perpétue par l’engendrement. Il tente de la prolonger dans l’éternité par
la « manducation des oblats ».
En ce domaine encore la variété est illimitée.
En retenant le pain et le vin pour achever le sacrifice en communion, le Christ relie la
nouvelle alliance à l’ancienne, en transformant et en épurant celle-ci.
Le sacrifice sanglant n’est plus que le Sien propre et c’est sous les espèces de l’alimentation
élémentaire qu’Il donne son corps et son sang en nourriture. Il fait ainsi participer à la rédemption la
totalité de la création car le pain et le vin, nourriture privilégiée de l’homme,
sont aussi le fruit conjoint de son travail et de la terre.
Le sacrifice parfait du Christ est oblation, immolation et communion : la messe, à perpétuité,
est ce sacrifice dans sa réalité mystique.
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Tout vient de Dieu
tout lui appartient
tout lui revient.