Stan
Date d'inscription : 30/08/2010 Localisation : Québec, Canada
| Sujet: Pour reconquérir une marge d'électeurs, Donald Trump ose mettre le feu dans un Moyen-Orient déjà ensanglanté Mar Jan 07 2020, 14:52 | |
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Pour reconquérir une marge d'électeurs, Donald Trump ose mettre le feu dans un Moyen-Orient déjà ensanglanté
L'assassinat du général et la menace ubuesque de "bombarder les sites culturels" sont des actes de campagne présidentielle. Destinés à la fraction la plus étrange de l'électorat américain :
“Irresponsabilité”, “inconscience”,“déshonneur pour les Etats-Unis” : les blâmes démocrates criblent Trump depuis qu’il a fait tuer par un drone le général iranien Soleimani, puis menacé l’Iran de bombarder ses “sites culturels”. Actes d’Ubu et conséquences surréalistes : en Iran, la mort de Soleimani a réveillé d'un seul coup le patriotisme des populations et relégitimé le régime, qui jusque-là affrontait une grave crise sociale… En Irak, les députés ont aussitôt voté l’expulsion des militaires et des diplomates US, ce qui transforme le maintien de leur présence en occupation invasive : d’autant que Trump envoie dans ce pays trois mille soldats de plus !
Tout ça ressemble à de la folie à double fond : 1. une couche d’ignorance américaine, Washington refusant depuis cinquante ans de comprendre ce qu’est la nation iranienne ; 2. une couche d’incohérence trumpienne, le président oscillant entre deux désirs incompatibles : a) sortir du “shit-hole” moyen-oriental, comme il l'avait annoncé à plusieurs reprises ; b) montrer sa virilité à dix mois de l'élection.
Pourquoi cette oscillation ? Parce que chacun de ces deux désirs incompatibles répond plus ou moins à l’attente d’une des composantes – hétérogènes – de l’électorat trumpiste. Et que Trump ne peut ni choisir entre elles, ni en flatter deux à la fois.
Ramener "GI Joe" à la maison, laisser les “towel-heads” orientaux se massacrer “as they have done for centuries”, c’est le vœu d’une Amérique isolationniste qui forme le noyau populaire de l’électorat républicain.
Mais il y a une autre tranche d'électorat républicain : les chrétiens évangéliques, milieu dont fait partie un Américain sur quatre. Ceux qui votent conservateur en haine des positions “immorales” du parti démocrate... 81 % de ces chrétiens-là ont voté Trump en 2016. Réduisant leur religiosité politique à deux sujets (l'avortement et les lois pro-gay), ils sont aveugles à tout le reste : santé publique, justice fiscale, environnement, bien commun international. Or leur cécité envers le respect des peuples les porte à soutenir l’extrême droite israélienne. Allant plus loin, nombre d'entre eux soutiennent l'aile belliciste de la classe politique israélienne – et cela au nom d’une théologie aberrante : fantasmer sur un verset du livre de l’Apocalypse (16,16 : “Ils les rassemblèrent dans le lieu appelé en hébreu Armageddon”), pour en déduire – de façon totalement arbitraire – que “le combat du grand jour du Dieu tout-puissant” est un conflit armé à venir, et qu'il faut le hâter car il entraînera la venue du Christ !
Un tel délire pseudo-biblique a deux vices : dénaturer le christianisme, et pousser à la guerre dans un Moyen-Orient déjà ensanglanté.
Beaucoup d'évangéliques américains ne partagent donc pas cette aberration. Ceux-là voient clair et tiennent compte du monde réel : ce qui les conduit à discerner désormais en Donald Trump un danger à conjurer. A la veille de Noël, le magazine évangélique Christianity Today a même pris position pour la destitution de Trump : parce que le président a violé la Constitution et qu’il agit “de façon profondément immorale”, écrivait le rédacteur en chef…
De 81 % en 2016, le soutien évangélique à Trump est tombé à 77 % : recul apparemment minime, mais signal d’alarme pour l’occupant de la Maison Blanche. Celui-ci en effet doit son élection minoritaire de 2016 au vote massif des évangéliques dans des Etats-clés comme la Floride : il ne peut donc risquer la moindre perte de voix dans ce milieu. Dans son esprit chaotique, la désaffection de centaines de milliers d'électeurs pieux ne vient pas de sa propre immoralité, mais du fait qu'il n'a pas encore donné assez de gages au camp des fous d'Armageddon...
D’où sa brusque campagne de re-séduction, qui mène Trump à jouer avec le feu pour plaire à des inconscients. Le 3 janvier à Miami, ce vieil agnostique libertin a présidé un meeting dans la megachurch du King Jesus International Ministry. Il y a brandi l’oriflamme de la guerre sainte contre les démocrates (“antireligious socialists”), et, bien entendu, en faveur du “christian support” à Israël : en clair, aux politiciens israéliens les plus durs.
Ce soutien de catastrophistes chrétiens ne plaît guère à des rabbins de Jérusalem ; mais M. Trump ne leur demande pas leur avis. La présidentielle est une chose sérieuse.
Source : http://plunkett.hautetfort.com/archive/2020/01/07/trump-met-le-feu-au-moyen-orient-pour-reconquerir-une-partie-6203554.html#more
Stan _________________ "Une pieuse réserve sur ce qui nous échappe vaut mieux qu'une âpre discussion sur ce dont on est incertain" (Adam de Perseigne)
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