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“De la suprématie de l’Individu”, par Charles Gave par Charles Sannat | 20 Mars 2018
C’est un papier passionnant que nous livre Charles Gave sur la primauté de l’individu comme l’un des fondements de la réussite des nations européennes. Les considérations intellectuelles sont plus que pertinentes, et l’on voit bien ici la ligne de cassure entre le “collectivisme” et “l’individualisme”. Lorsque l’on pousse un peu ce débat, on se rend compte rapidement que la “richesse” ou le partage des richesses n’est qu’une infime composante du sujet sur laquelle on “focalise” les masses à des fins politiques.
Au bout du compte, nos actes, nos souffrances, sont des “choses” profondément individuelles. En ce sens le collectivisme est une catastrophe évidemment à chaque fois prévisible et qui ne peut que mener à une forme de dictature.
L’unique objectif devrait être la recherche permanente du bien commun, et le bien commun c’est le bien pour tous, pour la communauté comme pour l’individu. Aucun des deux ne s’oppose à l’autre. Une position de rectitude et de justesse parfois difficile à trouver d’autant plus que collectivement, nous posons bien mal les sujets.
On pourrait résumer cela par “ni gauche, ni droite mais bien commun”.
Charles SANNAT
Avant-propos : au moment où j’écris ces lignes, j’apprends qu’Andrew McCabe, le numéro 2 du FBI sous Obama, vient d’être officiellement viré, perdant tous ses droits à la retraite, après un rapport accablant du contrôleur général de l’administration US, Mr. Horowitz. Derrière McCabe, Loretta Lynch, la ministre de la Justice, l’ex-patron du FBI, Mr. Comey et bien sûr, l’ex-président Obama. Les dominos commencent à tomber…
La véritable ligne de fracture de l’Histoire se produit avec le Christ.Avant lui, la tribu a toujours raison contre l’individu.Avec le Christ, nous apprenons que « Dieu ne sait compter que jusqu’à un » (d’après André Frossard, qui l’avait rencontré) et que la victime, lors des crises sacrificielles (mimétiques), est innocente. Elle est non seulement innocente mais c’est elle qui a raison alors que la tribu a tort.
C’est donc donner à chaque individu le pouvoir de dire non parce qu’il DOIT dire non, ce qui veut dire que la liberté individuelle est antérieure et supérieure au pouvoir de la Tribu, de l’État, du syndicat, du Führer, du Caudillo, du Duce, du Guide suprême…
Comme le rappelait Jean-Paul II, « la Liberté c’est de Pouvoir et de Vouloir faire ce que l’on Doit faire ». Pouvoir, vouloir, devoir, ne se conçoivent qu’au niveau individuel… Nous serons jugés un par un et ce que Dieu cherche est d’avoir une relation individuelle avec chacun d’entre nous. La justice collective, la morale collective, cela n’existe pas.
Ce que confirme Saint Paul, dans l’une de ses lettres au Gallates, quand il annonce tranquillement « qu’il n’y a plus ni juifs ni païens, ni homme ni femme, ni homme libre ni esclave et que nous sommes tous égaux (en Jésus-Christ)”, ce qui représente une totale inversion de la pensée dominante jusque-là.
Comme je l’ai écrit dans mon livre Un libéral nommé Jésus, Dieu, au départ, a décidé de passer une espèce de convention collective avec le peuple juif.
Les résultats ont été assez moyens, si l’on en croit l’Ancien Testament.Il changea donc son fusil d’épaule et décida de passer à un contrat individuel avec chacun d’entre nous, ce qui veut dire que chacun est libre d’accepter ou de refuser librement ce contrat en tant qu’individu. Et donc aux yeux de Dieu, je suis à la fois unique et égal de tous les autres (ce qui a été confirmé par la découverte de l’ADN).
Et fort logiquement, Samuel P. Huntington dans son ouvrage majeur La Guerre des Civilisations montre que la singularité de la civilisation occidentale par rapport à toutes les autres se trouve dans cette extraordinaire prééminence donnée à l’individu sur la communauté.
Et cette liberté donnée à l’individu de penser par lui-même est bien entendu à l’origine de l’explosion qu’a connue notre civilisation par rapport aux autres et elle a amené au fait qu’ait été créé en Europe la seule civilisation où l’esclavage ait été aboli, l’égalité entre hommes et femmes promue et le racisme condamné.
Mais, et toujours pour rester avec René Girard, cette victoire n’est jamais acquise.
Les forces du mal reviennent encore et toujours à la charge pour ramener l’individu sous le contrôle de la tribu (voir : J’ai vu Satan tomber comme l’éclair de René Girard).
Par exemple, le XXe siècle a créé deux tentatives monstrueuses de contrôler à nouveau chaque personne, le Nazisme et le Communisme, en ramenant chacun de force sous l’égide de la tribu, affublée de nouveaux noms, la race ou la classe (le principe est le même).
Eh bien, je soutiens que notre temps est en train de connaître une nouvelle tentative de remettre l’individu sous contrôle.
Je vais essayer de montrer que cette suprématie existentielle est attaquée à nouveau avec des moyens différents certes, mais que le but reste le même : nous empêcher d’exercer notre liberté individuelle.
Et cette nouvelle attaque avait été parfaitement annoncée par Georges Orwell dès 1948.D’abord on essaie de détruire le Verbe, le Logos qui nous unit les uns aux autres et qui nous permet de communiquer les uns avec les autres. Essayer de détruire le Verbe, c’est s’attaquer à l’essence même de ce qu’est notre civilisation (au début était le Verbe…) et donc il faut le détruire en créant une « novlangue » où les mots veulent dire le contraire de ce qu’ils veulent dire dans la compréhension commune.
Et pourquoi cela ?
Pour deux raisons :
· la première fut fort bien comprise par Confucius quand il écrivît : « Quand les mots changent de sens, les royaumes deviennent ingouvernables » et donc le chaos s’ensuit… et quand le chaos règne, la Liberté individuelle disparaît ;
· quant à la deuxième, elle fut expliquée par Soljenitsyne. Un homme libre parle clairement (“Que votre Oui soit un Oui, que votre Non soit un Non, tout le reste vient du Malin”). Or, dans un monde qui utilise la Novlangue, tout homme qui parle clairement est immédiatement repéré, ce qui permet de le faire fusiller, de l’envoyer dans un camp de concentration ou, au mieux, dans un hôpital psychiatrique. Et donc tout homme soit se tait et perd sa Liberté, soit parle et disparaît de sa communauté à jamais.
Mais me direz-vous, chacun peut s’exprimer librement aujourd’hui et les camps de concentration n’existent plus !
Certes.
Mais les camps de concentration ou les hôpitaux psychiatriques sont des moyens rudimentaires pour isoler quelqu’un et l’empêcher de parler.D’après Chantal Delsol, ces moyens artisanaux ont été remplacés par trois façons plus subtiles de faire taire ceux qui ne sont pas d’accord avec la Doxa dominante.
1. Briser leur carrière.
2. Leur interdire l’accès aux médias.
3. Tandis que les médias les couvrent de ridicule et d’opprobre pour les décrédibiliser aux yeux du public.
Et ces trois moyens sont utilisés de façon fort efficace par nos ennemis de la Liberté (voir Sire, surtout ne faites rien pour une typologie de ces malfaisants).
Que le lecteur se souvienne du traitement qu’ils infligent à un homme comme Renaud Camus et il comprendra ce que je veux dire.
Et pour être bien certain que l’excommunié restera inaudible, une nouvelle technique est en train de se développer, comme toujours d’abord aux USA, pour nous « classer » que nous le voulions ou non dans une tribu.
Prenons mon cas, je suis blanc et je suis un homme (et en plus je suis vieux, c’est-à-dire que j’ai de l’expérience.)
Je fais donc partie de la tribu « blanche », de la tribu « homme », et de la tribu « vieux », ce qui implique qu’en tant que tel, ma parole n’a aucun intérêt et ne mérite pas d’être entendue, puisque ces tribus ont littéralement mis en esclavage d’abord les femmes et ensuite le reste du monde (deux contrevérités s’il en fut) avant de piller la jeunesse pour s’assurer une retraite dorée. Il n’y a donc aucune de raison de prêter la moindre attention à ce que j’ai à dire, ce qui signifie que m’est déniée la possibilité de penser en dehors des schémas de mes tribus.
Coller des gens dans une tribu, c’est dans le fond nier le libre arbitre et la liberté individuelle.
Et voilà le mode socratique de discussion entre gens de bonne compagnie mis à terre également.
Et l’on voit donc que ces ennemis veulent à la fois détruire les racines grecques et chrétiennes de notre civilisation.
Et tout cela parce qu’ils ne supportent pas la liberté et le libre arbitre qui amènent à des différences de résultats entre humains, conséquences bonnes ou mauvaise de décisions que ces mêmes humains ont prises librement. La haine du génie, la haine du talent, la haine du mérite, la haine de la réussite constituent le cœur de l’action de tous ces gens qui, dans le fond, n’ont qu’une idée : tirer tout le monde vers le bas et convaincre la population qu’il n’existe de liberté que dans l’abaissement, confondant liberté et licence.
Remplaçons, dans leurs écrits, mâle, blanc, vieux par juif, noir, femme, et l’on voit que le principe d’exclusion est exactement le même, empêcher tout ou partie de la population de s’exprimer, ce qui est l’essence même du totalitarisme : n’ont droit à la parole que ceux qui sont d’accord avec le projet de destruction de la Liberté.
Seuls ont la liberté de parler les ennemis de la Liberté, ce qui est le paradoxe de notre époque : ceux qui haïssent notre société, où ils ont le droit de parler, veulent nous interdire de parler, à nous qui l’aimons…
À la fin de ce petit billet, le lecteur doit se demander : mais que faire ?Aussi curieux que cela paraisse, la réponse est toute simple : il ne faut en aucun cas les imiter et se mettre à chasser en meute, comme eux.
Pour un libéral, il ne peut y avoir de réponse collective, la solution est toujours individuelle et non-agressive, j’allais dire non-violente.
Chaque fois que l’un d’entre nous en a l’occasion, il doit simplement dire non s’il lui est demandé de se déshonorer, ce qui est la chose la plus difficile du monde.
Et cela amènera sans aucun doute d’autres à dire non à leur tour, et ainsi de suite.
Comme le disait Burke, mon philosophe anglais préféré, « Rien de mal ne peut arriver à un pays si les hommes d’honneur se lèvent au bon moment »
Je crois même que c’est la devise de l’Institut des Libertés.
Charles GAVE
https://insolentiae.com/de-la-suprematie-de-lindividu-par-charles-gave/