Le Père Ratzinger et les divorcés remariés : la révélation

Le père Ratzinger et les divorcés remariés : la révélation

Le père Ratzinger aurait été favorable, dans certains cas,
à l’accès à la communion pour les divorcés remariés.

Religion 20.11.2014


Le 20 novembre, Aleteia publiait un article selon lequel Benoît XVI aurait souhaité voir approfondie
la question de l’accès à la communion pour les divorcés remariés.

À présent, on apprend dans les colonnes du Vatican Insider qu’en 1972, à 45 ans, alors qu’il n’était pas encore évêque mais déjà membre de la Commission théologique internationale créée par Paul VI, Joseph Ratzinger s’était exprimé en faveur de la communion eucharistique pour les divorcés remariés, dans certains cas. Le futur préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi l’avait même écrit dans un essai scientifique* et dans les termes suivants : « Quand un premier mariage est détruit depuis longtemps, de façon irréparable pour les deux parties ; et quand, à l’inverse, un second mariage s’est révélé par la suite une réalité morale et a été rempli d’un esprit de foi, spécialement en ce qui concerne l’éducation des enfants (de sorte que la destruction de ce deuxième mariage détruirait une grandeur morale et causerait des dommages moraux), dans ce cas – à travers un chemin extrajudiciaire – sur la base du témoignage du curé et des membres de la communauté, on devrait consentir à ce que puissent s’approcher de la communion ceux qui vivent un second mariage de ce type ».

Cet essai vient d’être republié dans les œuvres complètes (opera omnia) de Joseph Ratzinger, éditées chez Herder. À un détail près : le Pape émérite a décidé de le revoir intégralement et de supprimer notamment l’ouverture faite en 1972. Il est vrai que, par la suite, l’ancien préfet de l’ex-Saint office, en accord avec Jean-Paul II, avait rejeté une lettre pastorale signée par trois évêques allemands, dont le Cardinal Kasper, en faveur de cette ouverture. Devenu pape, bien que préoccupé par cette question selon lui « complexe et douloureuse », il a également maintenu l’enseignement de ses prédécesseurs (et de l’Église depuis des siècles). L’ouvrage sera bientôt disponible en librairie en Allemagne et la revue Herder Korrespondenz vient d’en publier des extraits, notamment les passages concernés, dans leur version initiale et revue et corrigée.

« L’Église est l’Église de la nouvelle alliance, disait encore Ratzinger, dans cet essai. Et malgré tout, elle vit dans un monde où la "dureté de cœur" (cf. Mt 18,19) de l’ancienne alliance existe toujours. » Il préconisait donc que « dans certaines situations d’urgence et pour éviter le pire », l’Église puisse « consentir à des exceptions limitées ».

« Quand, d’un second mariage, sont nées des obligations morales vis-à-vis des enfants, de la famille et même de la femme (ou du mari, ndlr), développait le théologien, et que de telles obligations n’existent plus par rapport au premier mariage ; Quand, donc, pour des raisons de nature morale, renoncer au second mariage est inadmissible et que d’autre part – et cela est à souligner, ndlr – la pratique de la continence ne représente pas une réalité possible, dans un tel cas, l’accès à la communion, après une période d’épreuve, n’est que justice et pleinement en ligne avec la tradition de l’Église (Cf. notamment saint Basile le Grand, père de l’Église) », affirmait-il. Ratzinger ne considérait pas non plus le recours au procès en nullité comme la solution à tous les problèmes, cette solution ne permettant pas toujours et pour différentes raisons, disait-il de rendre justice de façon indéniable.

À travers ces propositions, le futur Pape n’avait pas l’intention de remettre en cause l’indissolubilité du mariage : « Le mariage est sacramentum, cela subsiste dans la forme fondamentale non abrogeable de l’engagement pris. Toutefois, cela n’exclut pas que la communion de l’Église embrasse aussi ceux qui reconnaissent cette doctrine et ce principe de vie, et qui cependant se trouvent dans une situation d’urgence de type particulier, dans laquelle elles ont particulièrement besoin de la pleine communion avec le Corps du Seigneur. La foi de l’Église restera signe de contradiction aussi de cette manière ».

Aujourd’hui, les propos du jeune théologien (pas si jeune que cela d’ailleurs, il avait 45 ans), le Pape émérite les a démentis. Mais ce n’est pas comme si le grand théologien, réputé l’un des plus grands de l’histoire de l’Église, ne les avait jamais écrits. Par ailleurs, en 1972, et plus tard, il n’appartenait pas à l’aile dite « progressiste » de l’Église catholique et critiquait plutôt certaines dérives post-Vatican II. Il était même considéré comme un théologien postconciliaire respectueux du Magistère. Du reste, en 1977, soit cinq ans plus tard, le bienheureux Paul VI le nommera archevêque de Munich et quelques semaines plus tard, lui remettra le chapeau de cardinal, qui le conduira sur le siège de Pierre.

Que conclure de tout cela ? Qu’aujourd’hui, comme l’ont fait certains pères synodaux (pour ne citer qu’eux), on peut se positionner en faveur de la communion pour les personnes divorcées remariées, sans être taxé d’ultra-progressisme et accusé de vouloir remettre en cause l’indissolubilité du sacrement du mariage. La publication de cet essai ne viendra sans doute pas révolutionner le débat. Mais elle permettra peut être d’en faire une lecture moins dialectisante et de le dépassionner. L’auteur de Caritas in veritate le souhaiterait sûrement.

* Zur Frage nach der Unauflöslichkeit der Ehe. Bemerkungen zum dogmengeschichtlichen Befund und zu seiner gegenwärtigen Bedeutung; in: Ehe und Ehescheidung. Diskussion unter Christen, a cura di F. Henrich - V. Eid; Münchener Akademie-Schriften 59, München, 1972.

Source : http://www.aleteia.org/fr/religion/article/benoit-xvi-et-les-divorces-remaries-la-revelation-5804652083806208?page=2