« Visite cette vigne, protège-la, celle qu'a plantée ta main puissante »
Cette vigne
C’était un grand cru.
Le maître de chais soignait cette vigne comme son épouse. Chaque matin, il passait dans ses rangs, goûtait là un raisin, caressait ici une feuille, dégageait ailleurs un cep.
Il connaissait la couleur de la terre et son goût, qui se retrouvaient dans la robe de son vin, et la chaleur du soleil qui lui donnait sa profondeur.
C’était un grand cru, présent à toutes les fêtes. Tous les mariés en avaient bu, à chaque naissance on trinquait.
Mais le temps de la fête n’est plus.
La vigne, abandonnée aux éléments et aux animaux, périt. Les sangliers s’en mêlent. Ils la dévastent et mangent un peu de tout, ceps, feuilles, fruits. Car le sanglier ne connaît ni le prix du vin ni celui de la fête. Et l’homme seul pleure quand la fête n’est plus.
Le soin séculaire du maître de chais est réduit à néant. Il n’y a plus ni ouvrier, ni vendangeur. Ils ont été tués. Plus de fête, plus de vin, plus de joie.
Le maître du domaine avait pourtant tenté de sauver sa vigne. Il avait envoyé son Fils, son unique héritier. Mais, comme les raisins foulés, son sang a rougi la terre de cette vigne ; il « couvre les montagnes » et s’étend « jusqu’à la mer ».
Et le grand bois où le Fils fut sacrifié se dresse comme un nouveau cep, d’où jaillit ce nouveau vin.
Inutile de reconstruire la clôture. Ce vin est pour tous.
Il est le grand vin de la fête, celui que l’on sert en dernier, celui que l’on n'attendait plus.
Il est Dieu lui-même qui s’offre en libation, pour sauver nos fêtes dévastées, et leur rendre la joie.
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Quand ils diront : « Paix et sécurité ! », alors une destruction subite sera sur eux...1 Thessaloniciens 5:3