Premières impressions d'un aumônier militaire embarqué

Date d'inscription : 30/08/2010 Localisation : Québec, Canada

Citation :: Premières impressions
d'un aumônier militaire embarqué
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Le 6 mars 2014, 07:09

Parmi les membres d’équipage, nous avons la chance d’embarquer un passager
un peu particulier puisqu’il s’agit de notre aumônier, le père Amaury Cariot.
A travers ses yeux, c’est un bout de la vie de l’équipage qui se révèle.

Mon Père, pourquoi êtes-vous à bord ?

Je suis mis pour emploi à la demande du commandant pour assurer la mission de l’aumônerie militaire à bord : soutien des hommes et du commandement, et liberté du culte.

Qu’est-ce que l’aumônerie militaire ?

L’Aumônerie militaire a vu le jour au XVI siècle, sous l’impulsion de Saint Vincent de Paul, à bord des navires de la Marine. Elle a connu plusieurs développements au fil des temps, quasiment sans interruption selon les formes et les époques. Le statut des aumôneries est actuellement régi par la loi de 1905, qui assure la liberté de culte auprès des populations dans l’impossibilité de pratiquer en raison d’un empêchement de circulation (prisons, hôpitaux, armées). Ainsi, dans ces 3 institutions, l’Etat emploie des aumôniers pour permettre ce libre accès à la pratique religieuse. L’aumônier militaire est donc au service des hommes et de la Nation.

Comment devient-on aumônier militaire ?

Je suis prêtre de paroisse, dans le Val d’Oise, depuis 15 ans. J’ai fait acte de volontariat pour une mission extérieure de 3 ans renouvelable une fois auprès du diocèse aux Armées, qui gère les aumôniers catholiques. Après proposition de l’évêque aux armées et enquête, j’ai signé un contrat avec les armée. Je suis à Toulon, en charge de la Force d’Action Navale, des fusiliers marins, des plongeurs démineurs, de la flottille amphibie et du commando Hubert.

Quel est votre rôle à bord ?

Il déploie les deux missions de l’aumônerie militaire : le soutien moral et le soutien spirituel.

Votre rôle, comme aumônier et prêtre catholique, se limite-t-il aux catholiques du bord ?

Pas du tout ! L’aumônerie militaire compte des représentants des quatre principaux cultes en France : catholiques, protestants, musulmans et judaïques. Il n’est pas possible d’embarquer un aumônier de chaque religion lors de la mission. Il se trouve que je suis aumônier catholique mais je suis là, disponible 24h/24, pour tous ceux qui, croyants ou non, ressentent le besoin de parler avec moi. Les aumôniers militaires se tiennent à disposition sans prosélytisme.

Concrètement que faites-vous ?

Tout d’abord, je participe aux activités du bord, il n’y a pas de passager ou de touriste sur les bâtiments de la Marine Nationale ! Cela créé de nombreuses occasions de rencontres.

Par mon expérience précédente et pour rendre service j’ai été intégré la cellule info-crise et je couvre par la photographie la vie courante du bord. L’appareil photo est un bon vecteur pour entrer en relation.

De plus, je partage alternativement mes repas avec tous, de la cafétéria au carré commandant.

Mais surtout, je célèbre quotidiennement la messe dans les entrailles du bateau, avant le briefing du soir, et le dimanche dans un espace plus grand, à la cafétéria. Je suis aussi à disposition de ceux qui veulent approfondir leur foi ou discuter de sujets plus larges. L’aumônier a aussi en opex (opérations extérieures) ou en mer un rôle de « consolation ». L’éloignement, les différentes épreuves qui peuvent survenir, peuvent créer le besoin d’une écoute plus personnelle, hors hiérarchie militaire. Je suis tenu au secret absolu, et ce qui se dit à l’aumônier reste chez l’aumônier. Traditionnellement, je suis du grade de celui auquel je m’adresse, tout en étant bien sur sous les ordres du commandant !

Donc vous êtes amiral quand vous rencontrez un Amiral ?

(rires) Non, Dieu m’en garde ! J’ai grade d’aumônier, mais je n’exerce pas de pouvoir militaire (je peux être puni mais je n’ai pas le droit de punir par exemple !!) Donc face à l’amiral, je reste l’aumônier. Ce que je voulais dire, c’est que je ne fais pas partie de la chaine hiérarchique militaire à proprement parler. Je suis à bord rattaché à la 7° compagnie, celle du commissariat et du service de santé.

Après quelques jours à bord, qu’est-ce qui vous marque le plus ?

Je réalise mon premier embarquement, c’est donc une découverte totale. Pour l’heure, je n’ai pas eu (encore !) le mal de mer ! La vie à bord est complexe à découvrir. Tout va très vite, les diffusions au micro se succèdent et il faut intégrer les différents ordres et messages. Il faut aussi se repérer dans le bateau, j’ai passé quelques jours à me perdre ! Mais ce qui me marque le plus c’est la cohésion de l’équipage. Il faut une sacrée coordination pour gréer un tel bâtiment, des manœuvres de port à la navigation, du service courant aux distractions, c’est tout une chaine qui se déploie et dont je suis le témoin émerveillé. Les hommes exercent avec passion leur métier à bord, du boulanger à l’artilleur, du matelot au commandant, chacun a une place bien déterminée et essentielle. La motivation des quelques 250 marins présents à bord m’impressionne.

Plus personnellement, je découvre aussi un autre rapport à l’espace et au temps… En mer, tout est en même temps plus lent et plus rapide… Il faut avoir navigué pour comprendre !

Qu’avez-vous visité ?

En 5 jours déjà pas mal de lieux… Mais j’ai passé du temps à la passerelle, logeant dans la petite chambre de veille juste à côté. De nuit, le calme qui y règne contraste avec l’activité en journée. Pas de mots inutiles, une vigilance de tout instant, quelques échos sur les radars, et l immensité de la mer… J’aime ! La passerelle supérieure, à l’air libre, est un lieu que j’ai aussi fréquenté, impressionné par la motivation de ceux qui s’y relaient jour et nuit pour assure la vigilance humaine. J’aime cette idée que l’on ne peut se passer de l’Homme, toutes les machines les plus pointues ont besoin du facteur humain. Cela rejoint finalement le sens de ma présence ici je crois… Etre témoin de cette place centrale de l’Homme, dans toutes ses dimensions, au cœur d’un dispositif hautement technologique, au service du bien commun et de la Nation… L’humain et le spirituel étant souvent liés, je ne me sens pas frustré comme prêtre d’avoir ici une place qui peut paraître anecdotique. Je sais au fond de moi qu’une simple présence auprès de ces hommes est précieuse, même si elle ne se concrétise pas toujours par la dimension cultuelle. Etre témoin de cette dimension se passe souvent de mots et de discours, il suffit souvent d’être là. Pleinement, en partageant les joies et les peines, les enthousiasmes et les contraintes de la vie à bord. Et ainsi, je crois que je serai à ma place, ni plus, ni moins !

Source : http://jdb.marine.defense.gouv.fr/index.php/post/2014/03/06/Premi%C3%A8res-impressions-d-un-aum%C3%B4nier-embarqu%C3%A9

Stan

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