ISLAM ET HOMOSEXUALITÉ Cette étude d'Annie Laurent a été publiée par La Petite Feuille Verte ( n° 102 - Déc. 2012)
[email=contact@associationclarifier.fr][/email]Le débat autour du projet de loi sur le
« mariage pour tous » offre l’occasion de s’interroger sur la position
de l’Islam au sujet de l’homosexualité.
Le principeLe Coran évoque le thème de
l’homosexualité en relation avec l’histoire du personnage biblique Loth :
« Souvenez-vous de Loth. Il dit à son peuple : vous livrez-vous à cette
abomination que nul, parmi les mondes, n’a commis avant vous ? Vous
vous approchez des hommes de préférence aux femmes pour assouvir vos
passions. Vous êtes un peuple pervers » (7, 80-81). La même réprobation
est reprise en 27, 54-55.
Dans la Sunna (tradition mahométane), la
question est abordée par cette recommandation attribuée à Mahomet : «
Chassez de vos maisons les femmes hommasses et les hommes efféminés ».
Le droitL’homosexualité est illégale et
qualifiée de crime dans la plupart des pays musulmans. Elle est donc
passible de sanctions. Mais le Coran impose une peine seulement aux
femmes fautives, à condition que leur « action infâme », associée à
l’adultère, soit attestée par quatre témoins. Alors, « enfermez les
coupables jusqu’à leur mort » (4, 15).
En fait, le droit pénal en la
matière n’est pas uniforme. Il varie selon les écoles juridiques et les
Etats où s’applique la charia, la loi islamique (celle-ci n’a jamais
fait l’objet d’une codification générale et unifiée). L’école malékite
(elle s’appuie sur la pratique en vigueur au temps de Mahomet à Médine,
mais s’est ensuite ouverte à d’autres influences), qui est en vigueur
notamment au Maghreb, prescrit la lapidation pour les homosexuels de
sexe masculin, actifs et passifs.
Explications d’un juriste musulmanSelon Mohamed Hocine Benkheira,
chercheur à l’Ecole pratique des Hautes Etudes de Paris : «
L’homosexualité constitue une abomination sans pareille (…).
L’homosexuel est perçu à la fois comme un pécheur et un criminel, maudit
par Dieu (…). Quand les homosexuels s’unissent, le Trône de Dieu
tremble : la terre, le ciel, le sol et le toit hurlent de colère et
réclament vengeance (…). L’homosexualité constitue une remise en cause
d’un des principaux fondements de la société : il ne peut y avoir
d’union qu’hétérosexuelle. Et comme celle-ci est une institution divine,
l’homosexuel est un rebelle contre la loi de Dieu ».
Benkheira met
par ailleurs en lumière une différence avec la conception chrétienne qui
a son fondement dans le droit naturel alors que, dans l’Islam, c’est
Dieu Lui-même qui détermine ce qui est bien et mal, ce qui est permis et
ce qui est interdit (halal et haram). « L’idée de nature n’intervient
pas en matière d’homosexualité, du reste comme dans l’ensemble de la
loi islamique : on ne trouve donc pas trace de la notion de crime
contre-nature ; ce n’est pas la nature qui définit la norme, c’est
toujours Dieu » (Dictionnaire du Coran, éd. Robert Laffont, pp.
400-401).
Et le christianisme ?L’homosexualité est désignée dans la
Bible comme une dépravation grave (Genèse 19, 1-29 ; Romains 1, 24-27 ; 1
Timothée 1, 10). Dans le prolongement, le Catéchisme de l’Eglise
catholique commente : « Les actes d’homosexualité sont intrinsèquement
désordonnés. Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte
sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité
affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation
en aucun cas. » (CEC n° 2357).
Comme l’Islam, le christianisme
condamne donc l’homosexualité et a fortiori le mariage entre
homosexuels. Cependant, plusieurs divergences opposent les deux
religions à propos du péché et du pécheur.
1 - Concernant la loi
naturelle, le christianisme en attribue l’origine à Dieu qui lui a donné
une valeur universelle et immuable. Mais l’homme, parce qu’il «
participe à la sagesse et à la bonté du Créateur », est capable, par sa
raison et sa conscience, de discerner « ce que sont le bien et le mal,
la vérité et le mensonge » (CEC n° 1954). Il n’a pas besoin d’un diktat
divin comme dans l’Islam. Selon la doctrine chrétienne, la loi civile ne
peut contredire la loi morale. Mais, contrairement à l’Islam où la loi
civile s’immisce jusque dans la conscience et la sphère privée, dans le
christianisme cette même loi ne se confond pas avec la loi morale, en ce
sens qu’elle n’oblige personne à l’adopter et à l’appliquer.
2 -
Le christianisme distingue toujours l’acte fautif de celui qui l’a
commis. S’il condamne le péché, il appelle à la miséricorde envers le
pécheur. Selon le Catéchisme de l’Eglise catholique, l’état homosexuel
constitue pour la plupart de ceux qu’il concerne « une épreuve » et une
condition « qu’ils n’ont pas choisie ». « Ils doivent donc être
accueillis avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur
égard toute marque de discrimination injuste. » (CEC n° 2358). Pour sa
part, l’Islam confond loi religieuse et loi civile. D’où il résulte que
tout péché, même s’il relève de l’ordre privé, est assimilé à une
atteinte à l’ordre public. Dans l’Islam, l’éradication du mal passe par
la punition pénale de son auteur, voire sa suppression, tandis que dans
le christianisme, la faute est effacée par le pardon sacramentel.
Christianisme et Islam se rejoignent donc dans leur condamnation de l’homosexualité.
Mais
ils se distinguent nettement par la réponse qu’ils donnent
respectivement à cette homosexualité ainsi que par le « traitement » des
homosexuels eux-mêmesAnnie Laurent