La lutte intérieure

Nous entrons ces jours-ci dans le temps du Carême. Quarante jours nous sont offerts pour retourner à Dieu, faire place nette dans nos vies pour Lui, bref… c’est un petit peu le ménage de “fin d’hiver” de notre intérieur ! Cela ne va pas sans combat, car l’enjeu est réel. Le conseil de St Paul vaut pour tous : « Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé. » (1Ti 6, 12). Voici quelques clés pour avancer dans la foi.

« J’voudrais bien, mais j’peux point !» avouait la bonne du curé dans la chanson d’Annie Cordy. Cette « confession » ressemble un peu à celle de saint Paul, du moins dans son expression : « Je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais. » (Rm 7, 15). C’est une expérience universelle, qui confesse notre faiblesse. Je ne suis pas sûre cependant que tout le monde puisse dire la même chose. Il faut vouloir le bien pour souffrir que quelques forces contraires nous tirent dans l’autre sens. Celui qui ne cherche pas le bien de tout son cœur, ne se trouvera pas dans ce dilemme intérieur. D’ailleurs, les mauvais esprits diront : la meilleure façon d’arrêter la tentation, c’est d’y succomber ! D’une certaine manière, c’est vrai, mais pour le Chrétien, ce n’est pas le chemin. Celui qui vit de sa grâce de baptisé, va être mené par l’Esprit et se trouver confronté à cette lutte intérieure.

L’Esprit Saint nous y pousse !
Nous avons l’habitude de concevoir l’Esprit Saint comme celui qui est le principe et l’animateur de notre vie spirituelle, celui qui nous inspire et nous guide. C’est vrai. Mais il est aussi celui qui nous pousse au-delà de nos schémas, de nos cadres et même de nos limites. De cette manière, il nous entraîne plus loin car il veut nous mener jusqu’à la sainteté.
Dans la Parole de Dieu, il y a un passage marquant dans ce sens, c’est l’épisode où l’Esprit Saint pousse Jésus au désert pour y être tenté par le diable (cf. Mt 4 ou Mc 1). Curieux quand on y pense !!! Ce récit se trouve après son baptême et juste avant de commencer son ministère public. Ainsi, nous le voyons, l’Esprit Saint est celui qui nous fait passer des étapes dans notre vie spirituelle et cela pour nous mener à notre stature d’homme parfait (Ep 4, 13).
Faisons confiance au Saint Esprit qui nous conduit, même si c’est pour nous emmener au désert, ou dans tout autre endroit qui nous est hostile, là où nous allons toucher nos limites, là où notre foi va être éprouvée. Notre désert peut parfois ressembler à notre milieu de travail, à une immobilisation (chômage, souci de santé), etc. Dans ce cadre-là, ne nous étonnons pas de nous trouver confrontés à des luttes intérieures, ce n’est pas mauvais signe, au contraire !!!

Le désert révèle le cœur de l’homme
Au désert, il n’y a rien… si ce n’est nous-même. On se retrouve seul. Cette solitude est propice à l’accueil de l’intervention divine. Elle nous dispose à l’œuvre de l’Esprit en nous. Une œuvre de vérité, où les illusions de notre existence vont être démasquées. En effet, dans la vie courante, il est facile de dénoncer les autres : les gouvernements, les médias, les voisins, etc. Dans nos difficultés, on cherche facilement des coupables, et on finit toujours par en trouver ! Mais au désert, il n’y a plus personne d’autre que soi. On découvre alors que la difficulté, la tentation demeure, qu’elle est à l’intérieur de nous et que personne ne peut la combattre à notre place.
S’arrêter au désert, c’est accepter de regarder les “bêtes sauvages” qui habitent nos pensées, notre cœur. C’est ne plus mettre un couvercle dessus pour les étouffer, mais c’est ouvrir notre conscience et aussi… notre inconscient. C’est cela qui est plus risqué, car c’est un véritable safari en brousse qui nous attend ! Aussi, celui qui cherche à fuir le silence pressent le malaise qui l’habite et auquel il ne veut pas s’affronter. Il pressent également les fausses excuses auxquelles il ne veut pas renoncer. Il a peur de se regarder en vérité et de découvrir ces quelques « vilaines bêtes » qui vivent en lui.
Accepter cette mise à nu intérieure nécessite donc des dispositions d’humilité. Mais si nous acceptons ce parcours, si nous permettons au Christ de nous conduire dans ce safari, il pourra vaincre pour nous ces « vilaines bêtes ».

Une lutte autant « intérieure» qu’« extérieure »
Ce safari, cette lutte intérieure, c’est une œuvre de purification. « L’or est éprouvé au feu du creuset » nous dit la Parole (Job 23, 10).
Notre difficulté parfois devant ce genre de parole, c’est que l’on s’arrête à « éprouvé au feu du creuset », on ne voit que l’épreuve, on oublie le résultat ! Pourtant, cela n’a d’intérêt qu’en fonction du résultat. Un chrétien ne souffre pas pour souffrir, mais il choisit de faire porter du fruit à sa souffrance. Et ici, ce fruit, c’est un or purifié. Pour nous, cela veut dire que, de cette purification, se détachent toutes les impuretés qui se mêlaient à nos actes, paroles et intentions, etc.
Qu’elle est belle la simplicité d’un être purifié ! Mais cela nécessite notre collaboration dans le combat spirituel. Apprenons à distinguer le mal du bien, et à rejeter le mal. Cela ne se fait pas d’un coup de baguette magique, mais dans une lutte patiente contre nos passions mauvaises, et avec le secours de la grâce de Dieu.
Cette lutte spirituelle peut donc être présentée sous deux approches :
- L’approche « intérieure ». Dans ce cas, c’est l’âme qui est le lieu du champ de bataille. C’est la lutte contre le péché. La lutte entre la chair et l’esprit telle que la présente saint Paul. Ou encore, la lutte des vertus contre les vices.
- L’approche « extérieure ». Dans ce cas, c’est le chrétien qui est lui-même en lutte contre les ennemis qui l’assaillent ou les tentations qui viennent comme de l’extérieur.
Chaque auteur spirituel insistera plus sur l’un ou l’autre aspect, mais c’est la même idée : le Christ a toujours à vaincre ses ennemis, en nous et hors de nous.

Complice, moi ?
Le point névralgique de cette lutte se situe autour du consentement. Si je commets un péché, c’est que je consens à quelque chose de mal. On pèche presque toujours pour se faire plaisir, parce que le fruit est appétissant. Le “coup de la pomme” se rejoue régulièrement dans nos journées !
Dans la tentation, je peux être tenté et résister. Dans ce cas, il n’y a pas consentement. N’oublions pas que le Christ lui-même a été tenté ! Mais si je me laisse entraîner par la suggestion, déjà en pensée (délectation), je flirte alors avec le consentement. C’est ce genre de complicité avec le mal que l’Ennemi attend de nous ! Il sera toujours à l’affût de ces failles en nous.
En même temps, cela nous fait prendre conscience de la grandeur de notre liberté : le diable ne peut rien en nous si nous ne consentons pas. Il n’a de pouvoir sur nous que dans la mesure où nous sommes de connivence avec le mal. Saint Antoine du désert le compare à un fer de hache qui ne peut abattre un arbre que s’il est muni d’un manche. Le manche, c’est notre liberté. Alors, ne bradons pas notre liberté, sachons résister.

« Engageons-nous qu’ils disaient ! » et n’ayons pas peur du combat spirituel, car dans cette lutte nous ne sommes pas seul. Pour nous, un Autre a déjà combattu, et aujourd’hui encore, le Christ combat avec nous et en nous. Il veut nous rendre victorieux et nous donner la récompense promise aux vainqueurs : un or purifié. C’est tellement plus précieux que les pacotilles données en cadeau dans les ventes par correspondance ! Ainsi, encourageons-nous à bien placer notre capital liberté dans des vraies valeurs. Cela donne du sens à notre vie.

Note :
Sr Marie-Anne Le Roux, Sortir gagnant de nos luttes intérieures, éd. des Béatitudes, 2008

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