Connaissez-vous le blog de Edmond Prochain ? il vaut le détour sous ses habits "humoristiques"...
Voici un "billet" de Edmond ...Si vous allez sur le blog lisez les commentaires : j'adooooore!!Le blogue d'Edmond Prochain
21 novembre 2011
Quelques échardes parmi tant d’autres
Filed under: De rien — Edmond Prochain @ 22:38
Tags: église, catholiques, chorale, curé, fidèles, messe, paroisse, prêtre
Joseph sent bien que depuis l’arrivée du nouveau responsable de la chorale, ce n’est plus tellement comme avant. Les têtes se sont renouvelées, le style des participants aussi. Et surtout, le répertoire a bien changé en l’espace de quelques semaines, balayant beaucoup de cantiques qu’il aimait bien et qui avaient son âge, cinquante ans… Ce n’est pas tellement que Joseph n’a plus sa place dans la chorale, c’est juste qu’il la trouve un peu moins facilement. En fait, on lui fait parfois sentir que sans lui, ce ne serait probablement pas différent, surtout s’il n’aime pas “les nouvelles orientations liturgiques”. Pourtant, ce n’est pas qu’il n’aime pas ; c’est différent, il faut qu’il s’adapte. Ce n’est pas une raison pour partir : il est fidèle depuis vingt ans à cette chorale paroissiale, il n’est pas question que ça change. Mais Joseph commence tout de même à se sentir légèrement exclu, et ça le rend un peu triste.
Didier préfère sortir de l’église par la petite porte au niveau de la sacristie. Sur le parvis, il n’y a presque personne pour le saluer, ce qui lui fait toujours un pincement au cœur. Sur la paroisse, il n’a jamais été accueilli. Avec ses sept enfants, et sa coupe de militaire, on le soupçonne de penser du mal des gens d’ici, et les gens d’ici n’aiment pas tellement qu’on pense du mal d’eux. D’ailleurs, on l’a vu une fois venir avec son frère – un prêtre en col romain – et on n’aime pas tellement cette façon qu’ont “les tradis” de replier l’Église sur elle-même. Didier ne dit rien, il n’a même pas protesté quand le curé a refusé l’accès à une célébration à la troupe SUF de son fils. Mais à ses amis qui l’encouragent à faire quelques kilomètres de plus en voiture pour trouver une paroisse “qui corresponde à sa sensibilité”, il rétorque que sa paroisse, elle est ici, et qu’il n’est pas question que ça change. Même s’il préfère sortir par la petite porte au niveau de la sacristie.
Anne s’assied généralement trois rang avant le fond, tout à droite. Derrière, elle trouve que ça fait un peu trop hostile ; devant, elle a l’impression que tout le monde va la regarder. Elle ne vient pas tous les dimanches, parce que souvent elle oublie l’heure ou se laisse tenter par une autre activité. Mais elle essaie malgré tout d’être présente : elle trouve que c’est important, et elle sait qu’elle repart toujours contente, même quand elle traine les pieds pour venir. Sauf que la semaine dernière le jeune diacre est venu la voir à la fin de la messe, et elle n’a pas trop aimé ça. Comme elle restait assise un moment à regarder les vitraux – Anne aime bien rester un moment assise à scruter les vitraux – il s’est approché pour s’asseoir à côté d’elle. Puis il lui a dit bonjour. Anne a murmuré bonjour aussi. Puis le diacre lui a demandé comment elle s’appelait. Anne a répondu Anne. Puis il lui a demandé pourquoi elle ne s’asseyait jamais “plus haut”. Anne pense qu’il voulait dire “plus devant”, mais elle n’a pas répondu. Alors il lui a dit qu’elle devrait s’investir, participer, faire quelque chose ; qu’il ne fallait pas qu’elle vienne uniquement en “consommatrice”. Anne n’avait jamais pensé qu’on pouvait être un profiteur dans une église, ça lui a fait une impression un peu étrange. Ce dimanche, Anne s’est assise tout à droite, deux rangs avant le fond.
Olivia aimerait bien dire au curé de la paroisse, tout à l’heure, à la fin de la communion de son neveu, ce qu’elle pense des dernières déclarations du pape. Elle ne comprend pas qu’on puisse se reconnaître dans une Église qu’elle trouve “aussi rétrograde”, et elle pense que c’est dommage parce que, quand même, Jésus avait un vrai message d’amour et d’accueil de l’étranger et de respect de l’autre. Ce qu’Olivia a entendu à la radio ne ressemble pas à ça. Il faut comprendre, aussi : déjà qu’il y a des “affaires”, ce n’est quand même pas la peine d’en rajouter… Ou alors, il ne faut pas tellement s’étonner si les églises se vident. Bref. Pendant la messe, elle pense à ce qu’elle dira au curé à la sortie. Mais quand à la communion elle voit son frère Damien rigoler en désignant les croyants qui se mettent à genoux, elle lui dit de se taire ou de sortir : ça ne sert à rien de ne pas être d’accord si on ne respecte même pas les gens pour qui c’est important. Sauf qu’au moment où elle dit cela à son frère, l’un des fidèles dont elle prenait justement la défense se retourne et lui siffle : “Chuuuut !” avec un regard noir. Olivia hausse les épaules et donne un petit coup à Damien qui répondait par une grimace.
*
Anne, Didier, Joseph et Olivia n’ont pas rencontré une Église parfaite. Ils se sentent même un peu exclus, parfois, souvent… Mais dans cette Église de bric et de broc, de tocs, de pics, de chocs, de tics, ils ont trouvé une chaise. Une chaise sous le regard d’un grand Christ accroché à une croix au bois vermoulu. Comme des milliers de petites échardes, prélevées dans des milliers de cœurs et rassemblées pour être ici transfigurées.
Et le collage continue.
_________________
O Jésus Roi d'Amour j'ai confiance en Votre Miséricordieuse Bonté