Ils sauvent les calvaires de nos campagnes « pour la gloire de Dieu et de la France »

Date d'inscription : 01/09/2021 Localisation : France

Ils sauvent les calvaires de nos campagnes « pour la gloire de Dieu et de la France »

Le long des routes de campagne ou dans les villages d’Anjou, les jeunes membres de l’association SOS Calvaires retapent et redressent les croix abandonnées ou abimées. Dans un seul but : remettre le Christ au cœur de la France.

Ils sauvent les calvaires de nos campagnes « pour la gloire de Dieu et de la France » Sos_calvaire_1

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Cinq immenses croix en bois brut posées sur le sol en éventail. Superbes. Debout près d’elles, une poignée de trentenaires souriants dans leur doudoune bleu marine siglée « SOS Calvaires ». Et ce message : « Aidez-nous financièrement et nous irons encore plus loin pour la gloire de Dieu et de la France ! » Coincée entre deux infos sinistres, la photo détonne sur Twitter en ce début du mois de janvier. En quelques clics, on découvre d’autres clichés, revigorants eux aussi. Sur le bord d’une route, dans la campagne angevine, ces mêmes hommes, bottes crottées, viennent de dresser l’une de ces croix sur un socle. Autour d’eux, leurs épouses, un prêtre et une ribambelle d’enfants. Sur une autre photo, ils sont agenouillés, recueillis, en train de prier au pied d’un immense crucifix. Impossible de résister à la tentation. Rendez-vous est pris le samedi 20 mars en Anjou pour observer de plus près ces mystérieux poseurs de croix.

Remettre le Christ au cœur des villages

À 9 h pétantes, ils sont une dizaine à débarquer, comme promis, dans une menuiserie de la zone industrielle du Lion-d’Angers. De leurs voitures s’échappent quelques jeunes enfants dévorant d’énergie qui s’engouffrent dans l’atelier. C’est ici que sont fabriquées les fameuses croix. Et c’est ici que tout a commencé. Nous sommes dans l’entreprise de Paul Ramé, 32 ans. Il y a quelques années, les Amis des chapelles et calvaires du Lion-d’Angers, une association œuvrant à la restauration et l’entretien du petit patrimoine cultuel des alentours, sollicitaient ce jeune menuisier pour la fabrication d’un calvaire. Devant l’enthousiasme du jeune homme, le président de l’association lui en confiait les rênes dans la foulée. « Il était âgé et n’avait plus l’énergie pour s’en occuper », explique ce père de six enfants dans son bureau où trône une statue de la Sainte Vierge. « J’ai accepté, mais j’étais débordé et n’ai eu le temps de restaurer que deux ou trois croix par an. »

En 2018, son beau-frère, Julien Le Page, qui vient s’installer dans la région, rejoint l’association et lui donne un second souffle. Amis, proches, voisins, sont embrigadés. Moyenne d’âge 30 ans. Tous sont animés par les mêmes convictions. « Si notre action a une dimension patrimoniale, nous sommes d’abord guidés par notre foi. Nous voulons remettre le Christ au cœur de nos villages et au bord de nos routes », explique Julien. « Nous travaillons pour la gloire de Dieu, pour rappeler que la France est fille aînée de l’Église et que le Christ est mort pour nous, abonde Paul. La croix, c’est l’étendard du Christ posé sur notre mort. »

Ils sont appelés à la rescousse de toutes parts

Aujourd’hui, ils vont en ériger une à Soulaire-en-Bourg, une commune située à quelques kilomètres d’Angers. Dans l’atelier, sur le sol, à côté d’une série de stipes et de patibulum (parties verticales et transversales de la croix) est posée une croix vierge. Les bénévoles achèvent de la préparer sous les yeux écarquillés des enfants. Un Christ magnifique en résine noire ultrarésistante y est fixé à l’aide d’une visseuse. Il a été fondu dans un moule récemment acquis par l’association qui peut désormais le produire en série pour un montant de 600 euros. Éloi, un jeune menuisier nouvellement recruté, taille à la scie sauteuse le suppedaneum, cette planchette de bois sur laquelle reposaient les pieds des crucifiés. À l’aide d’un chariot élévateur, l’énorme crucifix achevé est hissé sur un camion. Direction Soulaire-en-Bourg.

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L'atelier de SOS Calvaires est situé dans une menuiserie de la zone industrielle du Lion-d’Angers.
Sur la croix qu'ils s'apprêtent à redresser est fixé un Christ magnifique en résine noire ultrarésistante.

À la croisée de deux chemins, près d’un socle en pierre vide fraîchement débroussaillé, nous attendent Philippe et sa femme Catherine. Ce sont eux qui ont pris contact avec l’association pour ressusciter cette croix de leur village. Car si au départ les bénévoles de SOS calvaires restauraient principalement les croix, chapelles ou oratoires repérés au détour d’une promenade près de chez eux, leur notoriété grandissant, ils sont désormais appelés à la rescousse de toutes parts. « Un calvaire était tombé près de chez moi. En voulant le remettre en place, j’ai eu l’idée d’inventorier tous ceux de la commune. J’ai découvert qu’il y en avait quatre : trois en mauvais état et un dont il ne subsistait plus que le socle. Ces croix sont le signe de la présence vivante du Christ. Elles sont aussi un moyen pour revitaliser l’esprit missionnaire. Il ne faut pas les laisser dépérir ! », déclare Philippe.

De véritables chantiers

Très vite, le sexagénaire s’aperçoit que ces restaurations sont de véritables chantiers qui exigent de faire appel à différents corps de métiers. « Je commençais à trouver ça compliqué quand j’ai découvert l’existence de SOS Calvaires grâce à un article dans le journal. Je me suis dit : avec eux, on a tout en un, c’est exactement ce qu’il me faut ! » À charge pour lui d’enquêter au préalable afin de savoir qui, commune ou particulier, est propriétaire des terrains en question et d’obtenir l’autorisation de procéder aux travaux. « Le lopin de terre sur lequel nous nous trouvons aujourd’hui appartient à un monsieur âgé de la commune qui m’a tout de suite donné son accord. Il m’a dit que c’était une très bonne idée qu’il n’avait pas osé proposer il y a quelques années lorsqu’il était conseiller municipal ! », poursuit-il. Quant aux frais de fabrication et de pose de la croix, autour de 900 €, ils sont pris en charge par l’association qui vit de dons. Philippe a donc prévu d’organiser une vente de comté dont les bénéfices lui seront intégralement reversés en guise de compensation.

Prière à genoux

Tandis que Catherine sert du café aux villageois et amis de SOS Calvaires venus en renfort, les garçons préparent le ciment qui permettra de faire tenir la croix dans son socle. Gravée dans la pierre, on peut y lire une date : 1882. Le propriétaire du château voisin explique : « C’est très probablement la date à laquelle la croix a été dressée. On pense que les processions qui reliaient Soulaire à Feneu y faisaient étape. Quand j’ai acheté cette propriété, la croix brisée était posée dans une grange avec son Christ en très mauvais état. J’ai malheureusement su trop tard que cette restauration avait lieu pour lui redonner sa place initiale, mais je l’ai confié à l’association pour qu’il soit fixé sur une des trois croix de la commune qui vont être restaurées prochainement. »

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Comme ils le font à chaque fois, les bénévoles invitent l’assemblée à s’agenouiller
pour prier. Il est midi, l’heure idéale pour chanter l’Angélus.

Sous l’œil attentif de Julien qui coordonne les efforts de sa joyeuse troupe, la croix est soulevée du camion puis déposée délicatement sur son piédestal. Intrigués, des automobilistes ralentissent pour observer la scène. Un dernier coup de truelle pour tasser le ciment. Mission accomplie. Moment de grâce. Les enfants ont cessé de courir. Tous les regards convergent vers le Christ. Comme ils le font à chaque fois, les bénévoles invitent l’assemblée à s’agenouiller pour prier. Il est midi, l’heure idéale pour chanter l’Angélus. Comme autrefois, les prières s’élèvent à nouveau depuis ce carrefour perdu au milieu de la campagne. Tenant dans ses bras sa petite fille de 2 ans, Joachim, paysagiste et membre de l’association assiste à la scène : « Je viens autant pour donner un coup de main que pour témoigner de ma foi, confie-t-il. Et je trouve important que les enfants voient leurs parents élever des crucifix, ça enracine leur foi. »

Une occasion d’évangéliser

Philippe, lui, est très ému. « Je suis impressionné par tous ces jeunes qui sont prêts à donner de leur temps pour ce type d’action. Ça prouve qu’il y a un renouveau de la foi dans notre pays », espère-t-il. Seule ombre au tableau : il n’avait pas prévu que le travail serait achevé si tôt. Le maire, les paroissiens, et surtout le diacre chargé de bénir le calvaire ont été conviés en début d’après-midi et ne pourront faire la connaissance des jeunes bénévoles qui doivent repartir. « La bénédiction de la croix est une tradition à laquelle nous tenons beaucoup. Nous essayons à chaque fois de mobiliser le curé du coin ainsi que sa paroisse, indique Julien Le Page. Et nous frappons aux portes du voisinage pour inviter les gens à participer à cet évènement. Cela nous offre une occasion d’évangéliser. »

Lorsqu’elle est arrivée sur place, c’est ce que Sœur Anne-Vé a fait : frapper à la porte des voisins pour leur parler de cette croix nouvellement érigée. « Plus que la mort, c’est un signe de la résurrection, de la vie », leur a-t-elle expliqué avant de rejoindre Matthieu, le diacre, entouré de quelques paroissiens. À l’issue de la cérémonie, le maire a annoncé son intention de créer un circuit pédestre dont les calvaires seraient les différentes étapes, promettant de s’occuper de la rénovation des trois autres. « C’est un patrimoine communal à valoriser », a-t-il justifié. Souvent, chemin de randonnée et route de pèlerinage se confondent. Ces croix semées sur nos chemins sont sources d’évangélisation et d’espérance. « Un vieux monsieur qui ne pratique plus nous a dit un jour qu’il se signait désormais à chaque fois qu’il passait devant le calvaire que nous avons remonté en face de chez lui, raconte Julien Le Page. Aujourd’hui, dans une France déchristianisée, ce geste va droit au cœur du bon Dieu qui ne nous en demande pas autant qu’au XVIe siècle ! »

Élisabeth Caillemer
https://www.famillechretienne.fr/36343/article/ils-sauvent-les-calvaires-de-nos-campagnes

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