Stan
Date d'inscription : 30/08/2010 Localisation : Québec, Canada
| Sujet: Jacques Chirac (1932-2019), un homme politique attentif à la souffrance humaine Jeu Sep 26 2019, 12:32 | |
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Jacques Chirac (1932-2019), un homme politique attentif à la souffrance humaine [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
L’ancien président de la République française, Jacques Chirac, s’est éteint ce jeudi 26 septembre 2019 à l’âge de 86 ans. Très affaibli depuis plusieurs années, il avait développé une grande attention à la fragilité humaine.
Un homme chargé d'empathie et de compassion [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Malgré un bilan politique contrasté, une grande partie de la population française retient surtout de Jacques Chirac son sens relationnel, son empathie, sa proximité avec les plus fragiles, une sensibilité venue de son histoire personnelle et familiale. Le père Nicolas Risso, vicaire général du diocèse de Tulle, en Corrèze (le "fief" de Jacques Chiras) avait connu personnellement Jacques Chirac. Il revient sur ses souvenirs de l’ancien président de la République et sur ses relations avec l’Église catholique.
«Il y a de la tristesse dans le cœur des Corréziens. Jacques Chirac, quels que soient les partis politiques, quels que soient les clivages idéologiques, était un homme apprécié des Corréziens, des catholiques en particulier, parce que c’était pour beaucoup un homme de cœur, un homme qui connaissait souvent leur nom, leur visage, leurs disputes et leurs problèmes. Et ça c’est quelque chose qui a touché profondément les Corréziens et qui certainement aujourd’hui réveille leur peine.
Vous aviez-vous-même en tant que prêtre eu l’occasion de le rencontrer à plusieurs reprises, quel était son comportement personnel vis-à-vis de l’Église? Est ce qu’il s’intéressait aux questions spirituelles et aux questions éthiques posées par l’Église catholique ?
Le jour où j’ai rencontré Jacques Chirac pour la première fois, je n’étais pas encore prêtre, j’étais séminariste. Et donc j’étais en stage en Haute Corrèze, à Ussel qui était sa circonscription, et c’était deux ans avant les élections présidentielles où il était au plus bas des sondages, où même les médias et les politiques disaient qu’il était fini. Et ça a été l’occasion de belles rencontres, de discussions avec Jacques Chirac à la fois sur la politique, sur l’engagement. Et puis il était très intrigué qu’un jeune Corrézien qui aurait pu prétendre à faire une grande école ou une carrière universitaire revienne vivre en Corrèze et devienne prêtre. Il était impressionné par le fait qu’on puisse donner sa vie pour la cause de l’Évangile, et ça, je pense que c’est quelque chose qui l’a toujours intrigué et toujours questionné.
Il y avait là pas simplement une bienveillance de bon aloi, mais vraiment une interrogation profonde face à une vie donnée gratuitement et on sait bien que la vie politique n’est pas toujours faite de gratuité. Ça l’a intrigué vraiment. Et ensuite, j’ai eu l’occasion de le voir quand j’étais ordonné prêtre, avant qu’il ne soit président de la République. Il venait très tôt à la messe à 9h30 le dimanche matin dans des petites paroisses rurales autour d’Ussel.
Pour lui le religieux en bon Corrézien qu’il était n’était pas du côté démonstratif, mais était plutôt du côté de l’intime. Je crois qu’il avait ce rapport-là à la foi et certainement on a découvert cette autre facette à travers les arts premiers, les arts africains, avec sa passion pour d’autres cultures. Pour lui la question du spirituel, et de l’absolu du spirituel en quelque sorte, n’était pas une question lointaine mais une question proche de ses préoccupations. On voit souvent Chirac représenté comme un cynique, ce qu’il n’était pas, ou comme un pragmatique, ce qu’il était certainement. Mais il avait de vraies convictions profondes qu’il ne laissait pas paraitre.
Il y a une petite anecdote très très belle : Jacques Chirac a fondé une fondation pour les personnes handicapées en Haute-Corrèze. Il y a de très belles photos de lui penché sur un lit d’un polyhandicapé, et j’ai remarqué dans son attitude et dans sa façon de faire quelque chose qui le rapproche de l’attitude qu’avait Jean Vanier, c’est-à-dire devant le handicap, devant la faiblesse humaine, quelque chose de désarmé, et la vérité de la personne apparaissait. Je crois que ça c’est Jacques Chirac.
On sait qu’il était frappé par un drame intime, la maladie de sa fille, qui est décédée il y a trois ans, est-ce-que vous pensez que cela a joué aussi dans son cœur un peu brisé et sa disponibilité à la fragilité humaine ?
Jacques Chirac a toujours ressenti avec beaucoup d’acuité intérieure et beaucoup de pudeur et de distance, la souffrance qu’il y avait dans le cœur des autres. Et cette souffrance qu’il a certainement touché à l’intime de l’intime de lui-même a ouvert encore plus quelque chose en lui. Et de tout temps, cet homme a communié à la souffrance de l’autre. Avec de la pudeur. Dans ses relations interpersonnelles en Corrèze qui n’étaient pas les mêmes qu’à Paris, ou dans le combat politique ou dans la conquête politique, quand je pense à lui, je pense à ces vers de Soloviev qui dit : "écoute cher enfant ce qu’un cœur dit à un autre cœur dans un souffle de silence". Et ça c’est Chirac, voilà.
Peut-être un mot aussi sur son action politique ; en tant que président de la République, il a reçu le Pape Jean-Paul II à trois reprises, il est aussi un peu controversé pour avoir bloqué l’inscription des racines chrétiennes de l’Europe dans la constitution de l’Union européenne. Il y a un petit paradoxe dans le personnage de Jacques Chirac, comment interpréter sa prudence et sa défense de la laïcité jusqu’à un niveau qui a peut-être surpris certains catholiques ?
Jacques Chirac est représentatif d’un catholicisme à la française, qu'il ne faudrait peut-être pas oublier. Ses parents étaient instituteurs, il se marie avec Bernadette Chodron de Courcel qui est d’une famille de tradition, il ouvre ses horizons sur d’autres univers que peut-être son éducation familiale, et il en comprend toute l’importance. Mais il reste aussi marqué et connaît toute l’importance de la tradition laïque républicaine française.
C’est-à-dire que Chirac finalement est à l’intersection et à la rencontre de ces deux traditions : du catholicisme à la française qui vient plutôt de son épouse et de la laïcité républicaine qui vient de l’éducation nationale par ses parents. Il est fait avec ça et cela explique ses orientations politiques. C’est quelqu’un qui avait très bien compris me semble-t-il, un peu comme le dira après-guerre un prêtre qui a formé Edmond Michelet, une personnalité qui a profondément marqué Jacques Chirac, c'est qu’il y a une «autonomie des choses terrestres». S’il y a une réalité des choses spirituelles, il y a aussi une autonomie des choses terrestres.
Et je pense qu’il se situait aussi dans cette perspective-là, c’est-à-dire à la fois une profonde empathie pour les questions religieuses et pour les questionnements et les positionnements de l’Église sur telle ou telle question, mais à la fois un homme qui avait conscience qu’il devait mener son combat politique à l’aune des exigences que cela posait. C’est très français, c’est la question perpétuelle que l’on a trouvée dans l’histoire de France. Même si on est la "Fille ainée de l’Église", même s’il a été chanoine titulaire du Latran, même si sa première visite officielle a été pour le Pape Jean-Paul II. Néanmoins il revendiquait son indépendance. C’est un représentant de l’esprit français laïc et républicain. Chirac c’est à la fois la IIIe République et la "Fille Ainée de l’Église".»
Source : https://www.vaticannews.va/fr/monde/news/2019-09/deces-jacques-chirac-president-france.html?fbclid=IwAR3Gx2I777lPaaMvJdiRpkxZAr_uvhmQxFu8Z99xdxy1LhiV_TB4yyolGJQ
Stan _________________ "Une pieuse réserve sur ce qui nous échappe vaut mieux qu'une âpre discussion sur ce dont on est incertain" (Adam de Perseigne)
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