Le pouvoir de marcher sur l'eau, comme Jésus, au XXème siècle? (Témoignage de Henri Guillemin)

Date d'inscription : 30/08/2010 Localisation : Québec, Canada

Citation :: Le pouvoir de marcher sur l'eau,
comme Jésus, au XXème siècle ?
(Témoignage de Henri Guillemin
1903-1992)

Souvenirs d'Égypte
(1936-1938)

« Nous avions décidé, un groupe d'étudiants et moi, d'aller voir le soleil se lever sur le Nil, en aval du Caire; et nous avions louer une vedette à moteur puissant. Nous étions vingt environ. (...) Quand nous avons pris le départ, la nuit était encore complète. Pas de lune. Il faisait froid, et nous étions tous entassés à l'arrière, entre le moteur et la poupe d'où partait le bouillonnement furieux. Les premières demi-clartés de l'aube apparurent, se précisèrent. Une partie de notre groupe était restée avec moi, à l'arrière, quand deux des des garçons qui s'étaient portés à la proue arrivèrent sur nous en courant : « Venez! Venez voir! Vite! »
J'allai voir, nous tous, en un instant réunis là. Le soleil n'était pas encore levé, mais à l'est, une rougeur montait. Visiblement parfaite. Ce que nous voyions tous était si surprenant que je demandai : «Quelqu'un a-t-il des jumelles ? » On me tend l'objet. Très distinctement, devant nous, un fellah traversait le Nil, je dis bien, traversait le fleuve, pas à pas, un bâton à la main (il tenait ce bâton horizontalement).

Il marchait sur l'eau, sans qu'on puisse apercevoir ses pieds. Portait-il des raquettes spéciales, à flotteurs, d'une espèce inconnue ? Il levait les genoux lourdement, mais ses chaussures - s'il en portait - nous demeuraient cachés sous l'eau. La courant du Nil est fort. l'homme n'en paraissait point gêné. Il avançait droit devant lui, sans aucunement vaciller, aussi tranquillement, aussi fermement que s'il eût marché sur un chemin de terre. Je pris sur moi de faire lancer le moteur à fond. Et ce qui se passa - tous pourront l'affirmer - c'est que notre vedette avait beau filer à toute allure, la distance demeurait invariablement la même entre nous autres et le bonhomme, là-bas, qui achevait son parcours. Le soleil se montra juste comme le fellah pénétrait, pour y disparaitre, dans les roseaux du rivage. Personne ne nous donna jamais d'explications, et nous avons vingt fois raconté notre histoire. Un mirage ? Le mirage n'est concevable que sous un grand soleil ; et le gars avait traversé avant l'aurore.

(Fellah : paysan égyptien)

Je n'aime pas beaucoup raconter cette petite aventure qui peut vouloir paraitre rivaliser avec ces énigmes factices inventées par ces narrateurs qui cherchent à capter l'attention, faute de mieux, par des fables grossières. Je l'écris cependant ici, parce que ce fait d'expérience, aujourd'hui encore stupéfiant, perdra un jour où l'autre, j'en suis convaincu, son mystère. »

Source : Parcours, Henri Guillemin, Ed. Seuil, 1989, p. 40-41

Stan

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