Migrants tunisiens : la France envisage de suspendre les accords de SchengenLEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 22.04.11 | 18h55 • Mis à jour le 22.04.11 | 19h40
Un migrant tunisien muni d'un "titre de voyage pour étranger" et d'une carte de résident temporaire, à la gare de Vintimille à la frontière entre la France et l'Italie. AFP/SEBASTIEN NOGIER La France envisage de demander la suspension provisoire des accords européens de libre circulation, dits
"accords de Schengen", pour faire face à l'afflux de migrants clandestins en provenance de Libye et de Tunisie.
La présidence française estime que la gouvernance de Schengen est aujourd'hui "déficiente", selon une source à l'Elysée.
"Ce qu'il nous semble, c'est qu'il faut réfléchir à un mécanisme qui permette, lorsqu'il y a une défaillance systémique à une frontière extérieure de l'UE, d'intervenir en prévoyant une suspension provisoire, le temps que la défaillance soit réglée", a déclaré cette même source.
Les bouleversements en Afrique du Nord, principalement en Tunisie et en Libye, ont entraîné l'arrivée en Italie de nombreux migrants clandestins de ces pays qui, une fois entrés dans l'espace Schengen, peuvent se rendre dans les vingt-quatre autres pays européens qui en sont membres (voir
la carte).
Ce dossier est un des points les plus sensibles du sommet franco-italien qui se déroulera mardi à Rome, avec le chef du gouvernement italien,
Silvio Berlusconi, et
Nicolas Sarkozy.
PASSE D'ARMES ENTRE PARIS ET ROMEConfronté à l'arrivée de migrants tunisiens et libyens, le gouvernement italien a d'abord demandé à ses partenaires de l'aider à supporter cette charge. Il s'est tourné vers la France, destination avouée de la grande majorité de ces migrants. Paris a refusé, et la Commission a avoué ne pas pouvoir contraindre les gouvernements à se montrer solidaires.
Rome a contourné le problème en délivrant des titres de séjour de six mois aux plus de vingt mille Tunisiens arrivés sur ses côtes depuis janvier, pour qu'ils puissent rejoindre
"amis et parents" en France et ailleurs en Europe. Mais
l'initiative fâche ses partenaires. Pour
Melchior Wathelet, secrétaire d'Etat belge à la politique d'immigration et d'asile,
"l'Italie a triché avec les règles européennes".
Dimanche dernier, Paris avait à son tour suscité la colère des Italiens en
suspendant la circulation des trains depuis la ville italienne de Vintimille vers le sud-est de la France, estimant qu'un train avec à bord des manifestants voulant accompagner des immigrés tunisiens posait un risque de désordre public.
"Il y a une règle qui prévaut dans les accords de Schengen, qui est que le premier pays d'entrée gère les populations migrantes", avait rappelé, lundi, à cet égard le ministre de l'intérieur français,
Claude Guéant.
SCHENGEN MENACÉ DE DISPARITION ?
Schengen est menacé par l'incapacité des gouvernements de gérer cette
vague de migrants venus d'Afrique du Nord. Sa disparition sonnerait la fin de la libre circulation dans l'UE, fin souhaitée par les mouvements populistes.
La commissaire chargée de la sécurité et de l'immigration,
Cecilia Malmström,
refuse de croire à la fin de cet espace sans frontières pour 400 millions d'habitants de vingt-cinq pays du fait des tensions franco-italiennes au sujet des migrants tunisiens.
Elle relève que les gouvernements européens sont seuls maîtres des politiques en matière de sécurité. Or, ils sont presque tous sous la pression de mouvements populistes et xénophobes, associés au pouvoir, comme la Ligue du Nord, en Italie, ou devenus de véritables forces, comme le Front national, en France.
Le sommet de mardi à Rome devrait tenter d'aplanir le contentieux entre les deux pays, mais Schengen va pâtir de cette crise. Paris et Berlin ont bloqué les adhésions de la Roumanie et de la Bulgarie à Schengen et
"les temps vont être rallongés" pour l'intégration de nouveaux membres, reconnaît la Commission.
La France et l'Allemagne ont en outre suggéré la possibilité de modifier temporairement les frontières extérieures de l'Union européenne au cas où un des membres ne serait pas en mesure de les contrôler.
http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/04/22/afflux-de-migrants-la-france-envisage-de-suspendre-les-accords-de-schengen_1511816_823448.html#xtor=AL-32280184