2011-03-31 APIC
Berne: les Suisses sont de plus en plus nombreux à se distancer de la religion
Dans sa grande majorité, la population suisse entretient un rapport distant à la religion chrétienne et à la spiritualité. Elle estime cependant que les deux Églises nationales jouent un rôle important auprès des personnes socialement défavorisées. Telle est la conclusion d’une étude menée dans le cadre du Programme national de recherche "Collectivités religieuses, État et société".
En quoi les Suisses croient-ils? Selon Jörg Stolz, Judith Könemann, Mallory Schneuwly-Purdie, Thomas Englberger et Michael Krüggeler, sociologues des religions, la grande majorité de la population helvétique affiche un rapport "non pas indifférent ou négatif, mais distant" à la religion et à la spiritualité. En d’autres termes, la plupart des habitants du pays sont croyants, mais distants. Identifiée pour la première fois par une recherche sociologique, cette "population de distants" va probablement continuer à augmenter à l’avenir, estiment les chercheurs.
Cette étude révèle que, au cours des dernières années, la part de chrétiens a continué à diminuer au sein de la population: 31% des Suisses sont catholiques, 32% protestants et 12% adeptes de religions non chrétiennes. C’est du côté des personnes "sans confession" que la mutation est la plus importante: ceux-ci constituent déjà près de 25% de la population. Mais le fait qu’un individu soit d’une confession donnée ou sans confession ne renseigne pas sur ses pratiques et ses représentations religieuses. Les "sans confession" peuvent par exemple croire en Dieu ou pratiquer une spiritualité alternative.
Les chercheurs distinguent quatre types de religiosité au sein de la population suisse: les "distants" (64%), les "institutionnels" (17%), les "laïcs" (10%) et les "alternatifs" (9%). Ces dernières décennies, le groupe formé par les "institutionnels" a fortement diminué. La proportion "d’alternatifs" n’a guère évolué, alors que les "distants" et les "laïcs" sont aujourd’hui plus nombreux.
Les "distants", qui constituent le groupe le plus important, ne croient pas en rien. Ils disposent de représentations religieuses et spirituelles, mais ces dernières ne jouent pas un rôle important dans leur vie et ils ne les activent que dans des situations exceptionnelles. La plupart d’entre eux sont membres de l’Église catholique ou protestante, et s’acquittent d’impôts ecclésiastiques, mais leur appartenance confessionnelle ne leur apparaît pas importante. Ils se montrent également distants par rapport aux formes alternatives de religiosité, ainsi que vis-à-vis des personnes hostiles à la religion.
Les "institutionnels" sont membres des deux Églises nationales ou des Églises évangéliques libres. Ils entretiennent une foi vivace en un Dieu unique, personnel et transcendant. Les "alternatifs" cultivent, quant à eux, des croyances holistiques et ésotériques, pratiquent l’astrologie, des techniques curatives de respiration et de mouvement, ainsi que d’autres rituels. Les "laïcs", enfin, sont des personnes auxquelles toutes les formes de religiosité inspirent de l’indifférence, voire un refus.
Il est frappant de constater qu’au sein des personnes sans confession, ce ne sont pas les "laïcs" qui dominent (ils représentent seulement 20%), mais surtout les "distants" (68%). Les "institutionnels" affichent un niveau plutôt bas de formation, les "distants" et les "laïcs" un niveau moyen, et les "alternatifs" un haut niveau. Par ailleurs, on rencontre plus souvent des "alternatifs" chez les femmes (11%) que chez les hommes (4%). A l’inverse, les hommes présentent un taux plus élevé de "laïcs" (15%) que les femmes (5%).
Indépendamment du type de religiosité, une nette majorité de la population considère que les Églises jouent un rôle important pour les personnes socialement défavorisées. En revanche, ils leur attribuent une moindre importance pour ce qui les concerne personnellement. Les "institutionnels" sont fermement convaincus que la Suisse est marquée par la chrétienté. A l’inverse, les trois autres groupes – soit la majeure partie de la population – se montrent réservés sur cette question.
Les chercheurs ont mené ce sondage représentatif en Suisse romande, alémanique et italienne auprès de 1’229 femmes et hommes. Le sondage a été complété par 73 entretiens semi standardisés et n’a pas pris en compte des adhérents d’autres religions.
Le résumé du projet de recherche "La religiosité dans le monde contemporain. Conditions, constructions et mutation sociale" est disponible sur le site internet du Fonds national suisse
www.fns.chhttp://radiovm.com/Nouvelles/Details.aspx?n=25952