Stan
Date d'inscription : 30/08/2010 Localisation : Québec, Canada
| Sujet: Dire adieu à Lac-Mégantic Lun Déc 29 2014, 12:27 | |
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Dire adieu à Lac-Mégantic29 décembre 2014 Le curé Steve Lemay estime avoir donné tout ce qu’il pouvait à sa paroisse.Le coeur lourd, le jeune curé de Lac-Mégantic se prépare à célébrer le Nouvel An avec ses paroissiens pour une toute dernière fois. À 36 ans, l’abbé Steve Lemay admet qu’il est totalement épuisé par les 18 derniers mois, au cours desquels il a accompagné les citoyens de la petite ville pour traverser un drame sans nom. Son départ, prévu le 1er février, est, à ses yeux, aussi « déchirant » que « crucial ».« Ce n’est pas un état de fuite. Je ne m’en vais pas en me disant que je tourne le dos [à Lac-Mégantic]. Mais, si je veux bien servir et servir longtemps, je dois prendre du repos », dit le curé de la paroisse Sainte-Agnès de Lac-Mégantic. Ce dernier prendra une période sabbatique de six mois, au bout de laquelle il ne reviendra pas à sa paroisse, mais en joindra plutôt une nouvelle. En entrevue au Devoir, l’abbé Lemay a la voix émue. « Ce que nous avons vécu, ça dépasse toute mesure humaine. Comme prêtre, j’ai voulu tout donner. Tout. […] Mais ce qu’une personne humaine peut déployer comme amour n’était pas suffisant devant l’ampleur du drame. J’ai dû m’en remettre à plus grand que moi, à Dieu, car, sinon, je m’écrasais », raconte-t-il. Le passage d’un train meurtrier, le 6 juillet 2013, qui a arraché la vie à 47 personnes et a incendié le coeur de la municipalité, a laissé des plaies profondes, encore vives pour certains. Située à quelques pas de la zone où la tragique explosion s’est produite, l’église est vite devenue le principal lieu de recueillement, un point d’aide incontournable, propulsant à l’avant-plan le jeune curé et son équipe. Un an et demi plus tard, la fatigue émotive et physique se fait sentir. Batterie vidée Le curé estime que l’atmosphère dans la ville s’est quelque peu détendue au cours des derniers mois. L’ouverture d’un pont, qui permet aux piétons et plus récemment aux automobilistes de traverser le centre-ville et les nouveaux commerces sans faire de détour, « aide beaucoup les gens à retrouver des lieux et des habitudes qui leur font du bien. Le rétablissement physique de la ville permet d’évacuer le sentiment de détresse et de désorganisation qui régnait », avance-t-il. Questionné à savoir s’il a lui-même ressenti de la détresse, l’abbé préfère parler de « très grande fatigue ». Six mois après la tragédie, alors qu’il avait assuré la présidence de la majorité des funérailles et des événements commémoratifs, l’homme a senti que son corps ne le suivait plus. « À 36 ans, je me croyais inépuisable… Jusqu’à ce que je n’aie plus l’énergie d’accomplir tous mes services », avoue celui qui est le plus jeune abbé de l’archidiocèse de Sherbrooke. Après avoir abordé moult fois la question de la mort avec les mêmes paroissiens, le prêtre craignait de « sombrer dans une routine », il devait prendre du recul. Il en a avisé Mgr Luc Cyr, archevêque de Sherbrooke, qui lui a suggéré de prendre une période de « ressourcement spirituel » de six mois.
« Je n’ai pas voulu partir à ce moment-là, c’était trop tôt. Je voulais être auprès des paroissiens, je voulais goûter avec eux au rétablissement de la ville, j’en avais besoin. » Cet automne, Mgr Cyr l’a recontacté : le temps est venu de se ressourcer et de se retirer à Rome pour quelques mois, a-t-il tranché. Le curé Lemay se voit ainsi contraint de quitter une ville qui, bien qu’elle soit sur la voie de l’acceptation et du deuil, est encore lourdement ébranlée par la tragédie. « On ne peut pas mettre des lunettes roses et dire que tout est rentré dans l’ordre », confie Steve Lemay, ajoutant que le simple « sifflement d’un train » suffit encore à le mettre sur le qui-vive. À ses yeux, plusieurs combats restent à mener, dont l’instauration d’une voie ferrée de contournement, pour que les trains cessent de traverser la municipalité. « C’est, selon moi, un moyen nécessaire d’assurer un environnement pacifié et pacifiant à une population qui a été blessée », relate-t-il. Le deuil, personnel et collectif, est un processus long et complexe, croit le curé. « C’était impossible d’attendre que le rétablissement soit complet, car ça ne dépend pas que de moi. J’ai toujours travaillé dans l’esprit qu’il n’y a pas que moi pour accompagner la communauté, mais l’ensemble de l’Église, comme corps spirituel, qui va les aider. » Nouveau visage Le choix de partir pour de bon de Lac-Mégantic a été très difficile, raconte Steve Lemay. Il considère que les événements tragiques, en plus de ses sept ans de service, ont tissé des liens très serrés entre lui et la communauté. S’il est si proche de ses paroissiens, pourquoi ne pas revenir après le retrait ? Parce que la « parenthèse de six mois » a été jugée trop longue pour un simple remplacement, répond l’abbé. « Pour que les gens continuent de se confier, il faut une équipe permanente, avec laquelle ils vont bâtir un nouveau lien de confiance. » Le père Lemay estime que la « passion qui l’habite » pour sa paroisse l’aurait aussi empêché de complètement « décrocher » s’il avait gardé ses fonctions. Pour toutes ces raisons, un nouveau visage sera bénéfique pour le processus de rétablissement, assure-t-il. « Je suis très associé à la tragédie, bien que ce soit d’un point de vue positif, je suis associé à ce qui s’est passé. Un nouveau curé pourra aider à changer les choses. » C’est l’abbé Gilles Baril, de Coaticook, qui le remplacera. « Nous sommes originaires de la même région [Danville], nous nous connaissons bien. Il m’a dit que je serai toujours chez moi ici », dit Steve Lemay, qui entend revenir régulièrement visiter les paroissiens. Même s’il n’est plus le pasteur des Méganticois, il affirme que « le lien spirituel ne sera jamais brisé », que la « communion se vit en dehors du visible ». Direction Rome Après avoir passé quelque temps avec ses proches en février, l’abbé Lemay s’envolera vers Rome. Il pourra alors se consacrer entièrement à la prière et au repos. « Mgr Cyr tenait à ce que je me rende à Rome pour prendre une certaine distance de Lac-Mégantic, que je ne passe pas mon temps à me demander comment vont les paroissiens », explique-t-il. Le curé, qui a passé les 18 derniers mois à suggérer aux paroissiens de prendre une pause, de vivre leur deuil, constate que c’est maintenant à son tour de le faire. « Je dois être cohérent et appliquer ces conseils. Il est temps de prendre une pause », conclut-il. http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/427735/dire-adieu-a-lac-megantic Stan _________________ "Une pieuse réserve sur ce qui nous échappe vaut mieux qu'une âpre discussion sur ce dont on est incertain" (Adam de Perseigne)
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