Lily-Anne membre
Date d'inscription : 01/09/2010 Localisation : France - Provence
| Sujet: Les jeunes prêtres surchargés en danger Mer Fév 19 2014, 12:27 | |
| Le suicide d’un prêtre dans la Manche, en décembre, est pris « très au sérieux » par les évêques, conscients que le poids des responsabilités et l’isolement peuvent conduire certains jeunes prêtres au désespoir.Malgré ses efforts en matière de formation et d’accompagnement, l’Église reste relativement démunie face au risque de « burn-out ».
Deux jours avant Noël, le 23 décembre, Sainte-Mère-Église (Manche) enterrait son curé. Ordonné en 2005, le P. Emmanuel Serveau, 50 ans, s’est donné la mort en laissant une lettre. Et une communauté sous le choc. Le mois dernier, l’interception d’un message sur le réseau social Facebook, posté par un jeune prêtre du diocèse de Bourges, a permis d’éviter de justesse le même scénario. Geste rarissime et toujours entouré de mystère, le suicide d’un prêtre soulève quantité d’interrogations. Chez les évêques, les faits sont pris « très au sérieux », mais nul ne sait comment prévenir ces situations. « Avec un prêtre ordonné tous les deux ans en moyenne dans un diocèse, les attentes à leur égard sont beaucoup plus fortes qu’autrefois », avance le P. Luc Crépy, vicaire général de la congrégation des eudistes et ancien supérieur du séminaire d’Orléans. Diminution et vieillissement des forces en présence, regroupement des paroisses à marche forcée…, mécaniquement, les jeunes prêtres se retrouvent très tôt propulsés à des niveaux de responsabilité inimaginables du temps de leurs aînés.
« PRENEZ DU RECUL, NE VOUS IDENTIFIEZ PAS À VOTRE MISSION » Dans la Manche, le P. Serveau jonglait entre les deux paroisses dont il était curé, ses responsabilités au catéchuménat et auprès des Jeunes chrétiens ruraux (MRJC), sans compter sa charge de doyen à la tête d’un secteur. « Seul maître à bord, le curé gère tout, décide de tout, avec une latitude sans équivalent dans le monde de l’entreprise, pointe le psychanalyste Jacques Arènes, professeur à l’Institut catholique de Lille et au Collège des Bernardins à Paris. C’est passionnant, mais la chute est d’autant plus dure, en cas d’échec, qu’il n’existe pas de médiation pour soulager l’intéressé du poids de sa responsabilité. » « Prenez du recul, ne vous identifiez pas à votre mission », répète en boucle Mgr Jean-Christophe Lagleize à la trentaine de prêtres qu’il a déjà rencontrés depuis son arrivée dans le diocèse de Metz, à l’automne. Pas forcément facile à entendre, lorsqu’on a « charge d’âmes », quand on vient soi-même d’une famille pas forcément croyante, parfois marquée par un divorce, et dans une société où la présence de l’Église est de moins en moins évidente. « On se met beaucoup de pression, on n’a pas envie que le petit reste s’en aille par notre faute », concède un prêtre formé sur les mêmes bancs que son collègue de Bourges qui avait exprimé son désarroi sur Facebook.
« NOTRE NOUVEL ÉVÊQUE S’EST VITE RENDU COMPTE QUE LES PRÊTRES EN FAISAIENT TROP » Le risque de désillusion guette notamment quand la greffe avec la communauté ne prend pas. « Lorsque vous arrivez avec un idéal, que vous vous mettez à dos la moitié des paroissiens parce vous portez un col romain et l’autre moitié parce que vous n’en portez pas, lorsque vous ne parvenez pas à être le témoin que vous auriez voulu être, que reste-t-il ? », s’interroge un prêtre blogueur dans le nord de la France. Conflits, solitude, sentiment d’isolement…, sans aller jusqu’aux extrêmes, certains quittent le navire. Aurait-on tendance à l’oublier ? Un prêtre est un homme comme les autres et, à ce titre, il n’échappe pas au climat d’émulation général. En particulier les plus jeunes, dont beaucoup ont fait de brillantes études et possèdent le même goût pour le défi que les cadres en entreprise. « Comme dans un échec professionnel ou amoureux, ils décompensent aussi brutalement qu’ils s’investissent sans compter, observe Jacques Arènes, qui en reçoit quelques-uns en consultation. C’est le risque inhérent à tout métier vocationnel. » De plus en plus consciente du risque que courent ses jeunes recrues dans un contexte de pénurie, la hiérarchie tâtonne dans plusieurs directions. « Notre nouvel évêque s’est vite rendu compte que les prêtres en faisaient trop », rapporte le P. Daniel Jamelot, vicaire épiscopal du diocèse de Coutances. Sous l’impulsion de Mgr Laurent Le Boulc’h, un nouveau mot d’ordre circule dans la Manche : « Le maximum de baptisés fait le minimum, pas l’inverse ! »
« EN SITUATION D’ÉCHEC, JE NE CULPABILISE PLUS BÊTEMENT, JE CHERCHE DES SOLUTIONS AVEC D’AUTRES » Partager le fardeau avec les laïcs, mais aussi encourager la vie en communauté. « Ce n’est pas forcément “la” solution, mais c’est la mienne », témoigne le P. Thomas Sépulchre, qui partage la vie de deux autres prêtres dans une paroisse populaire d’Orléans. Si tous les prêtres sont censés bénéficier d’un accompagnement spirituel, ce n’est pas le cas partout, notamment dans les zones rurales. « Je ne peux que suggérer, mais en aucun cas contraindre, cela relève du for intérieur de chacun », explique l’archevêque de Bourges, Mgr Armand Maillard. Dans certains diocèses, le coaching pour prêtres a fait son apparition. Jean-Luc Joly, ancien cadre des ressources humaines à la SNCF, a été bouleversé par le suicide d’un prêtre en 2006. « C’était peu après son affectation dans une nouvelle paroisse, où le courant ne passait guère avec les laïcs. Comme il ne savait pas dire “non”, il s’en est mis plein le dos et ne dormait que quatre heures par nuit », témoigne l’ancien DRH, qui a mis en place une « démarche de progrès » dans le diocèse dès l’année suivante. Le but ? Apprendre à s’écouter entre prêtres, à se fixer des objectifs réalistes, à mieux gérer sa relation avec les fidèles et la hiérarchie. « En situation d’échec, je ne culpabilise plus bêtement, je cherche des solutions avec d’autres », témoigne un participant. La démarche ne suscite toutefois que lentement des émules. « Dans l’Église, la tentation est encore trop souvent de spiritualiser les problèmes au lieu de solliciter un soutien psychologique quand c’est nécessaire », souligne Olivier Pelleau, cofondateur de Talenthéo, un réseau catholique intervenant à la demande pour aider les prêtres en responsabilité.Samuel Lievenhttp://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Les-jeunes-pretres-surcharges-en-danger-2014-02-19-1109053
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