Père Madelin : "Le pape commence à agacer les Italiens"

Date d'inscription : 30/08/2010 Localisation : Québec, Canada

Citation :: Père Madelin : "Le pape commence à agacer les Italiens"

INTERVIEW - Le père Henri Madelin, ancien provincial des Jésuites,
enseigne la théologie au Centre Sèvres à Paris.
Extrait de l'interview à paraître dans Le Journal du Dimanche.

Le pape François vient d'être élu homme de l'année 2013 par le magazine Time…

Qui d'autre que lui pour incarner 2013? Le pape François est en train d'éclipser toutes les figures médiatiques internationales. Quand il a été élu le 13 mars, le président Obama avait dit "le pape des Amériques". L'Amérique est en train de changer avec la montée des hispaniques dans ses rangs, on passe d'un monde très anglo-saxon, people blanc, à un continent très latino-américain. Le catholicisme américain est en train d'être renouvelé, ce n'est pas étonnant que le Time l'ait choisi. Obama est empêtré notamment dans sa réforme de la santé, et donc il ne peut plus jouer le rôle international qu'il aimerait jouer, Mandela vient de décéder, le dalaï-lama n'est plus une figure emblématique… On mesure également la popularité de François au fait qu'on parle de lui pas uniquement dans les pages religion des médias. Il retourne les formules, il charcute les certitudes, et c'est pourquoi il touche bien au-delà des croyants.

Pourtant, il vient de subir une vague d'accusations aux USA le qualifiant de "marxiste pur"…
Oui, les États-Unis ne sont pas du tout acquis à sa cause. Dans l'exhortation apostolique du 26 novembre, François a instruit un procès contre l'économie libérale qui "tue". Il vient de préciser dans un entretien accordé à La Stampa qu'il n'est pas communiste. Pour lui, l'idéologie marxiste est erronée, mais les Américains ont du mal avec son côté "gauche ouverte" et sa défense des pauvres. On dit qu'il ne connaît pas l'économie, on se demande comment il va faire des investissements, comment va-t-il mettre de la croissance dans le monde avec une défense pure et simple des pauvres. Il est plutôt péroniste, tendance sociale de gauche, mais il ne peut pas être communiste car il a vécu des choses dures quand il était provincial des Jésuites en Argentine. Il a connu une gauche très dure, qui prenait des otages, demandait des rançons, et une droite épouvantable. Et puis, il agace les Américains, car quand il parle au monde, il ne parle pas anglais. Il le sait un peu, mais il n'aime pas le parler, il est très sud-américain, il appartient à cette génération qui est fière de parler espagnol, d'être sud-américain.

Il agace au-delà même de la curie romaine?

Oui, il commence à agacer les Italiens. Le pape est un peu le chef de l'Église italienne. Et le pape François ne veut pas l'être, du coup les Italiens sont les Européens les plus sourcilleux. Une réforme qui ne plaît pas en Italie, c'est le grand nettoyage des finances du Vatican, même si c'est Benoît XVI qui a entamé le mouvement. Il reste sans conteste une grande opacité, du blanchiment d'argent, et cela dérange la mafia que le pape souhaite "nettoyer" tout cela. Il est indéniable que des prêtres et des mafieux soient de connivence, être prêtre en Sicile ou en Calabre ce n'est pas évident. Il faut nommer des responsables épiscopaux italiens capables de lutter contre ce phénomène.

En librairie : Ainsi fait-il, Caroline Pigozzi et Henri Madelin, Plon

Stan

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