Père René LaurentinApparitions et discernement par l’Abbé LaurentinL’Eglise a toujours été – et reste – soucieuse quant au discernement nécessaire pour la qualification d’une apparition. Elle procède donc toujours avec prudence et précaution, et souhaite nous prémunir contre les risques d’illuminisme ou de tromperie. Mais, l’Eglise met du temps à analyser une apparition et, le plus souvent, ses études n’aboutissent pas. Ainsi, seulement quatorze apparitions ont-elles été reconnues, sans d’ailleurs que l’Eglise n’engage son autorité. Le Pape Pie X a précisé dans l’Encyclique que l’autorité du Magistère n’a jamais de certitude sur une apparition, même lorsqu’elle la reconnaît. Elle dira seulement : « vous pouvez y croire » ou encore « il est bon d’y croire ». Un évêque peut aussi témoigner qu’il y croit à titre personnel. Père René Laurentin
Le Magistère Suprême du Pape évite toujours de se prononcer quand une apparition se produit. Le Pape Pie IX a fait mener une enquête sur l’apparition de la Vierge Marie à Alphonse Ratisbonne qui eut lieu le 20 janvier 1842 en l’église Sant’Andrea delle Fratte mais cela n’a pas empêché le Pape de recevoir ce voyant plusieurs fois avec joie et confiance. Pie IX obtiendra même que l’on abrège les délais pour accorder le baptême à Alphonse Ratisbonne, de confession juive à l’origine. Cependant, le Cardinal qui a fait signer l’enquête a reconnu formellement la conversion, plutôt que l’apparition.
Plus que réservés, les Evêques forment rarement une commission lorsqu’une apparition se produit. Et lorsqu’ils en forment une, elle n’aboutit pas dans la majorité des cas et s’en tient à la formule suivante : « le caractère surnaturel n’est pas établi », autrement dit, l’aspect miraculeux n’est pas prouvé.
Et la presse interprète trop souvent ces déclarations mesurées comme des condamnations, comme ce fut le cas encore récemment pour les apparitions de Medjugorje, alors que l’Eglise précisait que la conférence épiscopale prenait en charge pastorale le sanctuaire et continuait l’enquête.
Dans ces conditions, les fidèles qui ont reçu des grâces en assistant à une apparition ou ceux qui ont découvert – ou redécouvert – la prière et la foi au travers de telle ou telle apparition sont perplexes, voire déroutés. Ils tentent alors de vérifier leur foi spontanée à ce signe du Ciel par le discernement et le font, souvent, avec beaucoup d’intelligence.
Les critères que retient l’Eglise pour reconnaître une ApparitionC’est un thème central du Dictionnaire des « Apparitions » de la Vierge Marie (véritable encyclopédie recensant l’ensemble des apparitions mariales ayant laissé une trace dans l’histoire et rédigée avec le concours de nombreux spécialistes qualifiés issus d’une quinzaine de disciplines différentes, sous la co-direction de René Laurentin, Editions Fayard, ndlr).
- 1- Les messages sont-ils conformes ou contraires à la foi et aux mœurs ? Si le message est contraire aux bonnes mœurs, toute enquête sera superflue, l’erreur est patente. Même si un Ange du Ciel venait à nous enseigner un autre Evangile, « qu’il soit anathème » dit Saint Paul, de manière tranchante et irréversible. Dans le cas où le message est conforme à la foi et aux mœurs, alors l’enquête est ouverte.
- 2- Le voyant est-il sincère, crédible, cohérent et désintéressé ? Ou, au contraire, ambigu, confus, manipulateur ? Parait-il équilibré ou semble-t-il relever d’un cas pathologique ? Sa vie est-elle droite, édifiante, « sainte » ? Chacun de ces mots donne lieu à des interprétations plus ou moins nuancées ! Car il n’est pas exclu que Dieu puisse se manifester à un déséquilibré, et si l’apparition aggrave son déséquilibre, la conclusion sur le voyant est évidemment radicalement négative. Au contraire, si l’apparition améliore l’état du voyant, le raisonnement sera sensiblement différent. Cette illustration manifeste les limites et la complexité du discernement.
- 3- Y a-t-il des signes favorables, selon l’Evangile, à la reconnaissance d’une apparition ou au témoignage d’un voyant ou d’un messager ? Le principal signe retenu par l’Eglise est la guérison physique ou spirituelle, totale et irréversible (à ne pas confondre avec une rémission). D’autres signes, tels que des lumières, des parfums, des signes dans le ciel, des photos miraculeuses…restent pour l’Eglise secondaires car le plus souvent incontrôlables. Si frappants soient-ils pour ceux qui les reçoivent, ces « manifestations » peuvent être pour eux convaincantes et fructueuses, mais ne constituent pas une preuve, faute de valeur suffisante. L’autre signe majeur retenu concerne la conversion, encore faut-il qu’elle soit profonde, durable, après un long temps de péché ou d’incroyance.
- 4- Les fruits spirituels, ce sont les seuls critères donnés par le Christ Lui-même dans l’Evangile : « On reconnaît l’arbre à ses fruits ». Cette parole du Christ revient six fois dans les quatre Evangiles.
Les principaux fruits des apparitions et des messages reçus sont bien les conversions, mais l’éventail reste immense. Des apparitions, sont nées, non seulement, la plupart des plus grands sanctuaires du monde : Mexico (Guadalupe), Aparecida (Brésil), la Médaille Miraculeuse (France), la Salette, Lourdes, Fatima (Portugal) et bien d’autres encore…mais aussi de très nombreuses fondations, œuvres, familles religieuses et dévotions fructueuses depuis le Scapulaire de Saint Simon Stock, etc…
Le discernement a bien une dimension intuitive ; c’est un éclairage, à la fois humain par l’observation des phénomènes mais aussi Divin selon la lumière de Foi qui peut être confirmée par un Charisme. Mais attention ! Un Charisme n’est jamais un don magique. Quand quelqu’un dit « J’ai le Charisme de discernement », je réponds « catastrophe !» car le Charisme est bien un don mais il n’est jamais une propriété personnelle, ni même une infaillibilité. C’est bien un don gratuit de l’Esprit Saint et il faut « l’exercer » par une humble activité, attentive, laborieuse, polyvalente, à tous les niveaux : scientifique, psychologique, historique, spirituel, théologique et même canonique. Ces disciplines, une quinzaine au total, ont chacune un article dans le Dictionnaire des « Apparitions » pour préciser quel est leur objet formel, leur rapport, leur limite. Ce Dictionnaire, le premier ouvrage d’ensemble qui concerne toutes les Apparitions connues et tous les aspects religieux, humains, psychologiques et pluridisciplinaires s’y rattachant, a voulu poser des bases objectives et réconciliatrices, afin de lutter contre les préjugés.
Le Dictionnaire des « Apparitions » comporte bien sûr un article très important sur la Vierge Marie, pour établir sur ce point, des fondements également objectifs et réconciliateurs.
APPARITIONS ET AMES PRIVILEGIEES, DE NOS JOURSLe Pape Paul VI a mis fin au silence de l’Eglise sur les apparitions en abrogeant, en 1966, l’article 1399 du Code du Droit Canonique. Chacun est désormais « libre » de se rendre sur un lieu d’apparition, d’écrire le récit de manifestations miraculeuses et de suivre les messages donnés aux âmes privilégiées. Cependant, il faut rester sur ses gardes contre toute forme d’illuminisme, de folie ou d’usurpation…Il convient donc d’être prudent, de se convertir tout en attendant le jugement de l’Eglise.Dans l’Evangile, les prophètes annonçaient : «
Je répandrai mon Esprit, alors vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions, vos vieillards des songes » (J1 3,1-5).
Il n’en demeure pas moins que nous devons tous faire preuve de discernement en nous rappelant que :
* Les « messages » doivent être conformes à la foi et aux bonnes mœurs,
* Le « voyant » doit être crédible, désintéressé, équilibré…,
* L’obéissance à l’Eglise doit être primordiale. A Garabandal, la Vierge a expliqué que, si un Ange demandait quelque chose, et qu’aussitôt après, un prêtre demandait son contraire, il fallait obéir au prêtre.
* Le lieu d’apparition ou les messages doivent donner naissance à des conversions et/ou à des guérisons.
* L’ « arbre » doit « porter des fruits », c’est-à-dire que les conversions et guérisons doivent se constater sur le long terme.
Les apparitions MarialesOn note une « adaptation » de la Vierge par rapport au lieu même de l’apparition. Celle-ci est nécessaire, ne serait-ce que dans le langage : à Lourdes, la Vierge parle en patois local, à Fatima en portugais, à Medjugorje en croate…
L’habit de Marie peut différer lui aussi, selon les lieux où Elle apparaît : à Lourdes, sa robe est blanche avec une ceinture bleue ; à Pontmain, elle est parsemée d’étoiles ; à La Salette, Marie revêt une robe de paysanne avec un bonnet…
L’adaptation au lieu peut même aller jusqu’à la couleur de peau : à Kibéo, au Rwanda, Marie apparaît de couleur noire clair. Au Japon, à Akita, elle a les yeux légèrement bridés.
Marie « appelle » toujours à la conversion. Elle se présente comme notre Mère et, en tant que maman, Elle se doit d’aider ses enfants. Le monde est bien malade, de même que l’Eglise souffre. C’est pourquoi Marie, notre Mère, vient du Ciel pour guider, sauver ses enfants de la violence, de l’injustice, des crimes et des guerres.
Si la grande mission de Marie reste avant tout d’emmener Ses enfants à Jésus, Elle délivre également un important message de PAIX, comme à Medjugorje où elle apparaît quotidiennement depuis 1981.
L’augmentation récente des apparitions, aux dix-neuvième et vingtième siècles, peut donc s’expliquer par la situation troublée dans laquelle se trouve notre monde. On remarque en effet que Marie apparaît notamment en des temps de tension et de guerre, comme à Pontmain en 1871, à Fatima en 1917, à Banneux et à Beauraing en 1932-1933, pour ne citer que ces exemples.
Les Ames PrivilégiéesDepuis quelques années, on assiste à une augmentation du nombre de
« messagers », ces âmes privilégiées qui ne sont pas « voyants », comme à Fatima ou Medjugorje, mais ont des « locutions intérieures » ou des « visions d’images intérieures » comme Angela (Italie) ou encore une « perception auditive ».
De nombreux messagers peuvent être qualifiés de crédibles de par le contenu même des messages qu’ils reçoivent et de par leur obéissance à l’Eglise catholique. Toutefois, il arrive que de vrais messagers « dévient » pour diverses raisons telles que l’orgueil, la non obéissance à l’Eglise, l’attrait de l’argent…Un « vrai » messager peut donc dériver, et les messages qu’il délivrera ne seront plus divins, mais humains. C’est pourquoi il convient de toujours rester vigilants.
Même s’il ne le sait pas, l’Homme est en quête de son Dieu. Certes, parfois il s’égare vers des sectes ou les médiums, mais en fait c’est son Créateur qu’il cherche.
Aujourd’hui des milliers, et même des millions de chrétiens, accourent vers les lieux d’apparitions. Ce fait est également observé chez des personnes dites
« rationalistes», voire chez des sceptiques. Le miracle réside dans le fait qu’eux aussi peuvent être « touchés » par la grâce et se convertir.
Les messagers parcourent les villes de nombreux pays pour « évangéliser » les assemblées de chrétiens ou de curieux. L’Homme a soif de Dieu !
Nombreux sont ceux qui rassemblent plusieurs centaines de personnes à chaque rencontre. Et lorsque qu’ils reviennent plus tard dans une même ville, le bouche à oreille fait que, bien souvent, les assemblées croissent. Ceci est vrai en France, mais aussi en Europe et sur les autres continents.
Les pierres crieront !Le « miracle des stigmates » (les marques de la Passion du Christ) touche depuis Saint François d’Assise un certain nombre d’hommes et de femmes, qu’ils soient laïques ou religieux. Les plus connus sont Marthe Robin, en France, et le Padre Pio, prêtre italien, ou encore le Frère Elie de nos jours. L’histoire compte plus d’une centaine de stigmatisés.
De nombreux « faits surnaturels » récents sont également à observer : des icônes, représentant souvent Marie Porte du Ciel, suintent de l’huile ; des statues pleurent des larmes humaines, et même parfois des larmes de sang comme à Civitavecchia.
On peut aussi évoquer l’effusion d’odeurs de fleurs… Face à l’indifférence, à l’ignorance ou au refus, des signes tangibles ont donc tendance à se manifester.
«
Si les hommes se taisent, les pierres crieront. »