Stan
Date d'inscription : 30/08/2010 Localisation : Québec, Canada
| Sujet: "La Joie de l’amour", chef-d’œuvre de l’art jésuite Sam Avr 09 2016, 18:34 | |
| - Citation :
"La Joie de l’amour", chef-d’œuvre de l’art jésuite
Le genre « exhortation apostolique postsynodale » est rarement ce que l’on préfère en littérature. Et pourtant, Amoris Lætitia, la Joie de l’amour, leçons tirées par le pape des deux synodes sur la famille, abonde en développements admirables. François ne fait pas, on s’en doute, dans la bluette. Il aligne comme à la parade des formules d’une incroyable dureté contre ce pharisianisme et cette bureaucratie qui gangrènent son Église. Citons : « Les lois morales ne doivent pas devenir des pierres lancées à la vie des personnes. » Ou encore cette dénonciation des « cœurs fermés qui se cachent ordinairement derrière les enseignements de l’Église » et de la « morale bureaucratique froide ». Pour autant, la Joie de l’amour est un texte subtil et magnifique. (...)
La Joie de l’amour fera deux catégories de déçus. D’abord ceux qui veulent que la loi ait le dernier mot et que ce mot soit immuable ; ceux-là ont tendance à se ficher un peu du réel. Ensuite leurs adversaires, qui veulent changer la norme parce que les comportements évoluent, et qui sans doute se moquent un peu de l’idéal. Ces deux catégories n’en font qu’une : c’est toujours et encore la même attitude légaliste, normative et puritaine qui sous-tend leur démarche. Le moindre écart entre théorie et pratique est vécu comme une concession, une hypocrisie, une faiblesse et finalement une menace. C’est la logique du tout ou rien. Le général est censé absorber le particulier, en toutes circonstances. Tout doit être mesuré selon le même mètre étalon. (...)
Avec une habilité consommée, François choisit de dépasser la polémique par la casuistique. Il sort de la logique du tout ou rien pour proposer quelque chose de faussement modeste. Le discernement devient boussole. Le jésuite fait de la casuistique une méthode de travail pour toute l’Église. Pour les amateurs de normes, rien n’est résolu. Soyons-en certains : la fin du document ouvrira de vicieuses querelles d’interprétations. C’est son principal point faible. Des prêtres, des évêques ou des conférences épiscopales se livreront à une interprétation libérale, convaincus que le sous-texte invite à tout changer sans le dire. D’autres se tiendront droits dans leurs bottes, relevant que la norme n’a pas varié et se persuadant que l’important est que tout change pour que rien ne change.
Le pari fait par François est le pari central de son pontificat en même temps que le grand malentendu auquel il s’expose. Il consiste à ne pas toucher aux structures pour privilégier la conversion missionnaire des personnes qui font l’Église. Pas de réforme des lois ou des institutions, mais une ambitieuse réforme de l’attitude personnelle. C’est encore plus ambitieux, au risque de faire pschitt. Espérons pour l’Église catholique que le pape sera réellement lu pour ce qu’il écrit, et non pour ce qu’on veut lui faire dire.
Source : http://www.lavie.fr/debats/edito/la-joie-de-l-amour-chef-d-oeuvre-de-l-art-jesuite-08-04-2016-72141_429.php
Stan _________________ "Une pieuse réserve sur ce qui nous échappe vaut mieux qu'une âpre discussion sur ce dont on est incertain" (Adam de Perseigne)
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