Le Pape François ressuscite l'âme de l'Europe - Figarovox/analyse

Le Pape François ressuscite
l'âme de l'Europe

Publié le 25/11/2014


FIGAROVOX/ANALYSE - Le souverain pontife est venu à Strasbourg
où il a exposé sa vision de l'Europe . Le décryptage de Louis Manaranche.

Louis Manaranche est agrégé d'histoire et président du laboratoire d'idées Fonder demain [/b]

On ne parvenait pas à bien saisir comment le pape allait être reçu au Parlement européen, ni ce qu'il allait dire. On cachait mal, d'un côté, sa laïque méfiance et, de l'autre, sa déception de ne pas voir honorée la patrie alsacienne et sa cathédrale jubilaire. Puis François vint. La foule n'était pas celle des grands jours, on n'avait invité aux abords du cénacle que les employés et leur famille. La cadre n'était pas non plus grandiose: l'architecture contemporaine du parlement de Strasbourg n'a rien de comparable avec celle d'une place Saint-Pierre ou d'une chapelle Sixtine.

Il a suffi que les premières phrases soient prononcées pour que nous soyons mis en contact avec l'essence de l'Europe, avec son «visage», pour reprendre l'expression du pape. Le projet européen repose sur la défense d'une vision de l'homme fondée sur la «dignité» et la «transcendance». Tout était dit. Le reste était une brillante et vivifiante déclinaison de cette définition. L'Europe, rappelée à ses racines chrétiennes vivantes - «l'homme européen est caractérisé par son ouverture à Dieu» - a été sommée de répondre aux défis de la culture individualiste du déchet, de l'absence de lien, du manque de travail, de la juste prise en compte des migrants… Toute synthèse de ce discours est vaine. Il exige d'être lu comme un tout cohérent et indivisible.

   Face à « une conception uniformisante de la mondialisation », le politique doit prendre soin de l'affirmation concrète de la dignité des peuples et des personnes, veiller sur leur « royauté ».

L'acte même que constitue ce discours peut en revanche être commenté. Le pape a lié sa très fine définition du politique, «prendre soin de la fragilité des peuples et des personnes» à l'image biblique de l'onction. Le politique doit «oindre de dignité», de cette dignité royale dont l'application d'huile odorante a été, pendant des siècles, le signe sensible. Par cette expression, c'est ce pape argentin qui a su exprimer avec les mots les plus forts l'attente des peuples d'Europe. Face à «une conception uniformisante de la mondialisation», le politique doit prendre soin de l'affirmation concrète de la dignité des peuples et des personnes, veiller sur leur «royauté». C'est un pape qui, il y a plus de 1200 ans, a oint Charlemagne. C'est un autre pape qui, aujourd'hui, conjure les acteurs politiques de transmettre cette onction aux peuples d'Europe et, par capillarité, aux peuples du monde.

Par cette mise en perspective biblique du rôle du politique dans la Cité, le pape a permis aux Européens de vivre un de ces rares moments où l'âme du continent devient palpable. Loin de tout passéisme, l'Europe était ainsi appelée, forte de son identité et de son expertise en humanité, à prendre à bras le corps les évolutions du monde contemporain, en «contemplant le Ciel» et en «poursuivant ses idéaux». À nous de jouer!

Source : http://www.lefigaro.fr/vox/religion/2014/11/25/31004-20141125ARTFIG00192-le-pape-francois-ressuscite-l-ame-de-l-europe.php